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Libération
Le temps d'un Grand Bivouac: revue

«Bouts du monde» dans l’empire du milieu de nulle part

Le dernier numéro de la revue nomade est consacré à l’Asie centrale. Un voyage au long cours hors du temps.
La forteresse de Qizil Qala, en Ouzbékistan. (Eddie Gerald/Getty Images)
publié le 25 octobre 2023 à 11h11

S’il est une région qui mérite bien d’être qualifiée de Bouts du monde, du nom de la revue consacrée aux carnets de voyage, c’est bien l’Asie centrale. Un immense «middle of nowhere», agrégat d’anciennes républiques soviétiques finissant en «an», s’étendant de l’Azerbaïdjan au Kirghizistan en passant par l’immense Kazakhstan, l’Ouzbékistan, le Turkménistan et le Tadjikistan (à ce propos on a découvert en lisant la revue l’existence du Gorno-Badakhshan, province autonome montagneuse du Tadjikistan. Elle couvre environ 44 % du territoire du pays, mais n’en représente que 3 % de la population.)

Une route de la soie mythique dans les pas d’Alexandre, Gengis Khan, Marco Polo et les chars de Staline ; hantée par les caravanes de chameaux de Bactriane, les contes et légendes de Samarcande, la Fiat Topolino de Nicolas Bouvier ou les carcasses rouillées des bateaux échoués sur la mer d’Aral.

Voyage en «accordéonistan»

Des plaines infinies, des pics enneigés. Un univers de poussière et de pierres grises que nous raconte donc ce 56e numéro de la revue Bouts du monde qui fête cette année son quinzième anniversaire. Avec au sommaire (non exhaustif) : un Walking Dead au Karakalpakstan, une des régions les plus pauvres de l’Ouzbékistan sur les bords de la mer d’Aral moribonde ; la remontée du fleuve Amou-Daria pour découvrir l’imposante masse du Fedchenko en compagnie de Christophe Raylat, Matthieu Tordeur et Cédric Gras (qui ont conté leur aventure dans le documentaire Fedchenko, le glacier oublié) ; les tracasseries administratives au passage de chaque frontière, vestige de l’ancienne URSS ; les subtils croquis de Stefano Faravelli à Kashgar, mythique cité ouïghoure visitée par le carnettiste italien il y a vingt ans : un monde aujourd’hui disparu sous les assauts de la colonisation et des bulldozers chinois. On finira l’odyssée avec les chameliers de Tian Shan présenté en portfolio, un voyage en «accordéonistan» (instrument de musique né aux confins de ces terres lointaines) et la longue traversée à vélo du Manguistaou (au Kazakhstan), six cents kilomètres de pistes entre forteresse rocheuse et la mer Caspienne, par le réalisateur et aventurier Cédric Tassan.

«Prendre son temps est le meilleur moyen de n’en pas perdre», écrivait Nicolas Bouvier dans l’Usage du monde. Cette ode au temps long en est un bel exemple.