Comment, à 20 ans, penser un futur plus désirable avec légèreté et joie ? Comment avoir confiance en l’avenir sans baisser les bras ? Pour sa deuxième édition, le festival Place à demain s’installe à Paris, au Palais de la Porte Dorée, le samedi 14 juin.
La sonnerie retentit. Les couloirs grondent. A peine rentrée dans la salle 108 du collège Joséphine-Baker de Saint-Ouen, une élève lance : «Madame, vous avez développé les photos ?» Une autre répète la question, puis un autre. Les 23 élèves de la 5e A trépignent. Ils veulent découvrir les photos qu’ils ont prises lors de leur balade dans les rues de la ville de Seine-Saint-Denis, il y a deux semaines. «On est parti avec le prof de sport. Chaque élève devait photographier son Saint-Ouen, raconte Tanaquil Dirand, salariée de l’association Métropop’. Avec ces clichés et ceux pris par des élèves de Bobigny, on va organiser une exposition.»
Ce mardi 10 juin, les jeunes Audoniens doivent choisir et légender les photos qui vont être diffusées dans l’exposition commune organisée avec leurs camarades du collège Angela-Davis de Bobigny dans le cadre du programme «banlieue sous clichés». Depuis septembre, Tanaquil Dirand accompagne ces deux classes pour analyser et déconstruire les stéréotypes associés aux quartiers populaires de banlieues franciliennes. «Ces stéréotypes provoquent des discriminations, rappelle Tanaquil Dirand. C’est souvent dû à un racisme primaire, mais le simple fait de venir de banlieue complique la recherche de travail, d’appartement. Et les adolescents en sont conscients.» Avec ses ateliers, l’association Métropop’ cherche à changer ces représentations et permettre à chaque élève de «montrer ce qu’ils veulent de leurs quartiers».
Le sport au centre des imaginaires
Lumières éteintes, vidéoprojecteur allumé, le diaporama peut commencer. Si quelques grimaces de camarades ou une photo du professeur d’EPS, Bandiougou Sissoko, provoque l’hilarité dans la classe, les élèves choisissent un par un quelle photo ils veulent légender. Au fil des photos, le portrait de Saint-Ouen se dessine avec quelques incontournables ; le Red Star football club, fierté des Audoniens, la mairie, la médiathèque Persépolis «où on fait nos exposés et on prend des BD», l’ancienne patinoire avec le mot «Paix» écrit au milieu d’un drapeau couleurs arc-en-ciel ou encore le centre nautique Auguste-Delaune.
Assis au premier rang, Yanis a choisi de légender une photo de la façade de ce centre qui est «devenu une deuxième maison», tant il passe de temps dans le bassin «avant [s] es compétitions». «Cette classe a une option natation», précise Bandiougou Sissoko avec le sourire. «C’est important le sport», ajoute le collégien de 13 ans, qui voulait aussi «montrer autre chose que la malbouffe».
Sport toujours, la pelouse bien verte du stade Bauer apparaît sur une dizaine de clichés. Pour Assitane et Acetou, 12 ans, c’est une fierté d’avoir son équipe en Ligue 2 et d’avoir fait du foot en portant les couleurs du club local. «Ils n’ont pas ça à Bobigny !» lance la première avec malice. Selma a choisi une fresque colorée, peinte sur un mur menant au stade, «avec des enfants différents qui jouent ensemble», parce que le foot, c’est aussi «l’humanisme». «On est bien loin d’un reportage sur les quartiers, l’insécurité, la drogue qui a encore été diffusé il y a quelques semaines», commente Tanaquil.
«La beauté naturelle de Saint-Ouen»
Stylo-bille en main, Ramy écrit sa légende au dos d’une photo d’un chantier. «J’aimerais bien faire ça, imagine l’ado de 13 ans. Etre maçon.» Après quelques blagues faîtes avec ses potes sur les meilleurs fast-foods de Saint-Ouen, il ajoute : «Les chantiers, c’est aussi la rénovation. C’est important. C’est ce qui fait qu’on se sent bien.» Une qualité de vie qui passe aussi par les espaces verts pour Sirile, 13 ans. Légendant une photo d’un bosquet devant un Burger King, cette collégienne se réjouit car il y a «beaucoup d’arbres» dans sa ville. «C’est la beauté naturelle de Saint-Ouen.»
«Ils sont très attachés à leur ville, note Bandiougou Sissoko. Mais ils ont une vision assez édulcorée de Paris. La capitale, c’est les monuments, les Champs, les musées.» Et cette perception crée des envies de départ. C’est pour cela que Victoria a choisi de présenter la bouche de métro de la mairie. «C’est important d’avoir ces transports, utile pour aller à Paris», là où elle préfère aller.
«Les collégiens sont hyper pointus. Dans les ateliers précédents, ils ont évoqué les problèmes de gentrification», relève Tanaquil Dirand. Alors quand Nahyl choisi une photo des puces de Saint-Ouen, il s’écarte de la carte postale. Assez timide, l’ado de 12 ans présente une rue vide, qu’on voit depuis l’entrée d’une boutique à l’allure de «château fort». Les puces de Saint-Ouen, il n’aime plus y aller. «Il y a trop de monde, de touristes». Et peut-être trop de Parisiens.