Dans son ouvrage S’engager. Comment les jeunes se mobilisent face aux crises (les Petits Matins), la présidente du Mouvement associatif, Claire Thoury, analyse les ressorts d’un engagement des jeunes sur le long terme. Une question que se pose également Oxfam France, qui cherche à améliorer ses outils pour une plus forte mobilisation citoyenne. C’est dans ce cadre que les équipes de Maxime Jean, responsable du pôle mobilisation et réseau territorial, coconstruisent avec Libération, depuis l’étape de Lyon, le Parlement génération transition (PGT). Une journée pour se rencontrer, apprendre à débattre et imaginer collectivement des solutions concrètes face à l’urgence climatique et à l’effondrement de la biodiversité.
Pourquoi avez-vous accepté de coorganiser ce Parlement génération transition avec Libération ?
Le PGT a réussi la synthèse de ce que l’on propose habituellement. Pour les jeunes qui découvrent le Parlement, c’est un premier pas vers leur rôle de citoyen. Pour les jeunes bénévoles d’Oxfam qui animent avec nous, c’est un deuxième niveau d’engagement. On les accompagne pour mobiliser de nouvelles personnes. Dans les deux cas, on leur rappelle qu’ils sont légitimes à prendre la parole.
A l’étape nantaise, l’un des collégiens de la Loire-Atlantique a pris la parole pour défendre l’initiative de son groupe. Il demandait que chaque citoyen français puisse avoir accès à un logement décent. Evidemment, entre les lignes, on entendait son propre témoignage. Comment avez-vous fait pour que son propre vécu se transforme en proposition collective ?
Ce sont des pépites ces jeunes-là ! On essaie de les faire parler de leurs réalités qui ne sont pas normales : le mal-logement, les inégalités liées aux transports, etc. Notre rôle est de sensibiliser et d’accompagner ces jeunes, qui ont des révoltes, des passions, et leur demander : pourquoi tu te bats ? Qu’est-ce qui ne va pas ? Et ensuite, le collectif arrive naturellement, quand ils se rendent compte qu’ils ne sont pas seuls.
Vous parlez de passion, de révolte… Est-ce que ça passe par des engagements de désobéissance civile également ?
L’ADN d’Oxfam, c’est le dialogue. Nous, on attaque la BNP en justice, mais on leur propose aussi des rendez-vous d’échange. Parmi les bénévoles d’Oxfam, on sait très bien que certains sont aussi engagés auprès d’Extinction Rebellion par exemple. C’est la définition même de la convergence des modes d’action.
L’engagement est-il synonyme de jeunesse ?
Avant d’arriver chez Oxfam, j’ai travaillé et je me suis engagé dans des mouvements associatifs très jeunes, trop jeunes. Le risque est d’avoir une vision qui n’est pas à 100 % celle de la société. On est d’accord, il faut relever le défi de la jeunesse, mais ça serait une erreur de ne se concentrer que sur les jeunes. L’enjeu est de pouvoir mettre autour de la table les jeunes, mais aussi les retraités ou les préretraités, qui sont très engagés également.
Cela fait dix ans que vous êtes engagé dans les mouvements jeunesses. Quelles sont les évolutions que vous notez ?
Avec le Covid, un cloisonnement entre les personnes s’est créé. On s’est retrouvé enfermé et, depuis, ça n’est pas facile de prendre le risque de la rencontre avec l’autre. C’est un défi de mettre les personnes autour d’une même table. En parallèle, on voit que les inégalités sont en train de progresser, même au niveau français. Ça crée une forme de distanciation entre les catégories sociales, une distanciation qui empêche le rapprochement entre personnes, et donc vers l’engagement. Ce qui me semble pertinent dans le Climat Libé Tour, c’est la connexion entre différents acteurs : un journal, une ONG, une collectivité. Parfois, cela nous permet d’en découvrir de nouveaux, comme l’atelier la Forêt des possibles à Marseille. Chacun n’est pas juste dans sa ligne de nage.