L’eau est en première ligne face à la crise climatique et aux pollutions massives de notre environnement. En France, la succession des sécheresses et la hausse des températures menacent gravement notre accès à cette ressource vitale. D’ici 2050, les cours d’eau pourraient voir leurs débits diminuer jusqu’à 40 %, tandis que de nombreuses nappes phréatiques affichent déjà des niveaux alarmants. Cette raréfaction de la ressource se conjugue avec une contamination généralisée de l’environnement et des ressources par les pesticides et les Pfas. Les scientifiques nous alertent sur la gravité de cette pollution qui s’étend dans l’indifférence coupable des industriels qui les produisent depuis des décennies.
Face à cette situation alarmante, une évidence s’impose : la gestion de l’eau ne doit pas être laissée aux seules logiques marchandes. Pourtant, les multinationales de l’eau entendent profiter de cette crise pour imposer leurs solutions technologiques coûteuses, au détriment d’une approche de prévention et de sobriété. Le tout au profit de leurs actionnaires. Cette financiarisation de l’eau et cette course au «tout technologie» se fait au détriment de véritables politiques de préservation de la qualité de l’eau sur le long terme, sans garantir un accès équitable à cette ressource vitale.
Une évidence
Nous le savons à Paris, où la distribution de l’eau était jusqu’en 2010 concédée au privé. Cette période a été marquée par un sous-investissement chronique et une gestion opaque, favorisant les profits des délégataires privés. En 2010, Paris a repris en main la gestion de son eau en créant la régie Eau de Paris. Ce fut une décision politique forte, fondée sur la conviction que l’eau devait être gérée comme un bien commun plutôt qu’une marchandise. La remunicipalisation nous a permis d’investir dans le service public et de faire de la sobriété un axe majeur de notre politique de l’eau, notamment en réduisant les fuites et en modernisant nos usines de potabilisation. Si les grands groupes privés font quelques efforts de sobriété, ils ont bien veillé à être rémunérés sur les économies d’eau dans les nouveaux contrats de délégation, faisant commerce d’une démarche de sobriété impérative face au changement climatique.
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Le choix de la gestion publique nous a également permis de développer des actions ambitieuses de protection de la ressource en eau. Autour de ses captages, Eau de Paris finance les agriculteurs pour passer au bio et réduire les pesticides, avec le concours de l’Agence de l’eau Seine-Normandie, pour 47 millions d’euros sur une dizaine d’années. Résultat : une eau de qualité 100 % conforme aux normes sanitaires et, pour les surfaces exploitées par des agriculteurs partenaires d’Eau de Paris, une réduction de 77 % des pesticides utilisés par rapport aux pratiques conventionnelles. Bref, plutôt que de faire le choix systématique de traitements coûtant des milliards d’euros et à fort impact environnemental, nous avons choisi d’investir des millions dans le préventif, en réduisant à la source les pollutions pour protéger la santé et l’environnement.
Une eau gérée par le public, c’est une eau protégée des logiques de rentabilité, où chaque euro perçu est réinvesti au bénéfice des usagers et de la préservation de la ressource. Aujourd’hui, si plus de la moitié des Français reçoivent au robinet une eau fournie par une régie publique, c’est parce que la gestion publique démontre, face aux crises climatiques et sanitaires, qu’elle est non seulement plus efficace, mais aussi moins chère, plus écologique et plus démocratique. Oui, faire prospérer la gestion publique de l’eau est notre meilleure arme face à la crise climatique et des pollutions que nous traversons. Il est temps que cette évidence s’impose partout en France.