Face à la défiance des citoyens vis-à-vis de l’Etat, des institutions ou de la politique, quel rôle peuvent jouer les collectivités locales ? Tel était l’objet d’un colloque organisé à Rouen par le Centre national de la fonction publique territoriale. Un événement dont Libération est partenaire.
«Ils peuvent être époustouflants, incisifs, justes et surprenants par leur envie de donner leur point de vue et de faire des choses.» C’est avec un enthousiasme indéniable qu’Ophélie Décordé, responsable jeunesse à la mairie de Villiers-le-Bel, parle des membres du conseil citoyen de la jeunesse, inauguré il y a deux ans dans la ville du Val-d’Oise. Une initiative encore rare : selon l’Association nationale des conseils d’enfants et de jeunes (Anacej), seulement 6 % des communes françaises se seraient ainsi ouvertes aux jeunes.
Et pourtant, ça marche ! «C’est un vrai levier de cohésion sociale, un vrai levier démocratique qui permet aussi d’abaisser le niveau de défiance des jeunes à l’égard de la vie publique», souligne Noémie Hervé, chargée de plaidoyer à l’Unicef sur cette thématique. Alors qu’on déplore le faible taux de participation électoral de cette génération, les «ramener» vers la vie démocratique n’est pas un luxe mais plutôt une sérieuse nécessité. «C’est d’ailleurs un droit fondamental intégré dans la Convention internationale des droits de l’enfant, dont l’article 12 stipule que les enfants ont le droit d’être entendus sur tous les sujets», poursuit Ophélie Décordé.
«Freins culturels»
Alors pourquoi si peu de communes leur donnent-elles la parole ? «Beaucoup de personnes ne savent pas encore qu’il s’agit d’un droit reconnu. On remarque aussi des freins culturels, tel que le manque de considération de leur parole, comme si celle-ci ne pouvait être prise au sérieux. Et sans doute un manque de formation des collectivités territoriales sur ce sujet», explique Noémie Hervé. D’où les outils et recommandations que propose l’Unicef pour aider les structures à s’engager. En 2023, le réseau «Ville amie des enfants» s’est lancé et compte désormais quelque 300 collectivités engagées sur ce sujet.
«Nous encourageons les décideurs locaux à inscrire la prise en charge de la parole des jeunes dans leur projet politique, souligne Noémie Hervé. L’essentiel c’est de se lancer et d’expérimenter.» Mais attention à ce que la démarche soit «véritablement sincère», rappelle Ophélie Décordé. Rien de pire qu’une fausse posture d’ouverture qui ne ferait que recueillir leur avis sans en tenir compte… «Cette participation implique en effet un partage du pouvoir», rappelle Noémie Hervé.
Pour cela, les collectivités doivent s’en donner les moyens avec une personne dédiée, des moyens pédagogiques et financiers, beaucoup de pragmatisme et, si possible, une approche conviviale. «Une réunion autour d’une pizza, cela fonctionne toujours mieux», souligne en clin d’œil Ophélie Décordé. Quant aux sujets abordés, il s’avère que de nombreux dossiers comme la culture, le sport, l’éducation ou l’aménagement des espaces urbains, les concernent directement, au même titre que les autres citoyens. «A nous de faire preuve d’humilité à leur égard, conclut la responsable jeunesse, car ils nous apprennent beaucoup.»