A mi-chemin entre Caen et le Mont-Saint-Michel, Vire Normandie est une petite ville tranquille dans le bocage normand, avec un conservatoire et une piscine géante. Un cadre de vie idéal. Pas d’autoroute, pas de ligne de fret, les semi-remorques empruntent les départementales… En avril, le président de l’association Villes de France, Gil Avérous, affirmait que «la désindustrialisation a ruiné les villes moyennes» : une réalité à laquelle a échappé Vire. Depuis de longues années, en effet, la ville ouvre ses bras à des fleurons de l’industrie et les projets poussent comme des champignons.
Guy Degrenne, la Compagnie des fromages, Normandise… Des aliments pour chats à la maroquinerie de luxe en passant par l’andouille, les machines-outils ou les camemberts, de grosses industries ont choisi de s’implanter là. Le secteur secondaire concerne 25 % des emplois (contre 13,3 % à l’échelle nationale), ce qui lui vaut selon ses élus le fier qualificatif de «petit village gaulois».
«Le Kennedy du bocage»
Quand on leur demande la recette magique pour lutter contre la désindustrialisation, Annie Rossi et Lucien Bazin, tous les deux conseillers municipaux, l’affirment : c’est une question d’histoire et de personnes, plus que de magie. Des entreprises familiales qui n’ont jamais mis les voiles, des conflits qui ont paradoxalement donné à la région des coups de boost : que ce soit la guerre de 1870 grâce à laquelle une usine alsacienne et ses 500 employés se sont installés à Vire (la rue Bischwiller en garde le souvenir) ou la Seconde Guerre mondiale et les dollars du plan Marshall déversés après la destruction de la ville. C’est aussi le fruit d’une volonté politique, en particulier celle du maire de la commune durant dix-sept ans, Olivier Stirn, surnommé ici «le Kennedy du bocage» (quand le Canard enchaîné le qualifiait d’«andouille de Vire») qui fera venir l’entreprise Guy Degrenne dans les années 70.
Une démarche proactive devenue héritage. Philippe Neuville, qui dirige le service développement économique, est habitué à aller au-devant des besoins des industriels. «Notre service est installé dans le même bâtiment que les services techniques : pas besoin d’engager des bureaux d’études, nous avons les compétences en local pour répondre vite aux demandes. Quand Seprolec [fabriquant de matériel électronique, ndlr] nous a contactés parce qu’ils cherchaient à s’implanter, nous leur avons proposé un rendez-vous une semaine après. Pour RW Couture [sous-traitant dans la maroquinerie de luxe], nous avons trouvé le bâtiment en un mois».
Le fonctionnaire n’a pas hésité non plus à accompagner la direction de la Compagnie des fromages, intéressée par la reprise d’une marque fromagère en Ile-de-France, pour convaincre les salariés de la plus-value de quitter l’agglomération pour la campagne normande.
Une démarche résiliente globale
Une démarche qui s’engage sur le temps long pour Vire et son intercommunalité. A la suite des récentes sécheresses et à l’invitation de la Préfecture, l’entreprise de production d’andouilles Amand a décidé de repenser sa consommation d’eau et de valoriser ses eaux de process. Accompagnée par la commune et son service technique, elle a élaboré un plan pour retraiter ses eaux usées et les transmettre à son voisin, l’usine Cemex.
Une démarche résiliente globale. A l’initiative de Lucien Bazin, également vice-président de la Communauté de communes Intercom de la Vire au Noireau, une association d’industriels virois a vu le jour récemment, afin de faciliter les démarches et les échanges de compétences et de s’épauler dans le recrutement de cadres et de chefs d’équipes – toujours difficiles à attirer dans les campagnes.
De même, la ville s’est récemment dotée – grâce au soutien de l’Etat et de la Région – d’offres de formation permettant à des jeunes d’être directement mobilisables par les industriels. Licence pro gestion des risques, bachelor universitaire en technologie à l’IUT, bac pro en filière mode… La commune a fêté la première rentrée de son école de production textile en 2023, dédiée aux élèves de 15 à 18 ans en décrochage scolaire. Elle a pour objectif d’assurer aux entreprises du secteur une main-d’œuvre motivée. Forte de cette approche globale, la commune espère attirer désormais dans son bassin de vie familles, cadres et jeunes entrepreneurs.