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Climat Libé Tour Nantes: initiative

Des fables pour comprendre la rivière

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Un atlas collaboratif et consultable en ligne permet au randonneur, comme à l’écrivain, de s’approprier les richesses des berges du Bélon, un petit fleuve côtier, pour tenter de les préserver.
(Simon Bailly/Liberation)
publié le 17 novembre 2023 à 0h07
(mis à jour le 17 novembre 2023 à 17h18)
Energie, transports, rénovation durable, végétalisation… En 2023, «Libé» explore la thématique de la transition écologique lors d’une série de rendez-vous inédits. Objectif : témoigner des enjeux et trouver des solutions au plus près des territoires. Cinquième étape à Nantes les 18 et 19 novembre.

Quand on parle d’eau en Bretagne, c’est souvent à cause de la pluie ou des algues vertes. Mais «après avoir écouté 57 fois les mêmes discours techniques sur les nitrates et les algues vertes, on bute un peu sur la question principale : qu’est-ce qu’on fait de cette rivière ?» interroge Alexis Fichet. Ce dramaturge, breton d’origine, a récemment été associé à une enquête collective menée le long du Bélon, un petit fleuve côtier qui sinue sur 26 kilomètres dans le Finistère Sud. L’initiative, lancée par l’Atlas des rivières de Bretagne et l’association Eau et Rivières de Bretagne en 2021, en partenariat avec la coopérative d’urbanisme culturel Cuesta, visait à produire une carte illustrée et collaborative le long du fleuve, pour aborder l’eau comme «élément qui lie les territoires et fait dialoguer les vivants». L’atlas, consultable en ligne, propose des itinéraires pour explorer le Bélon, des points d’intérêt recensés par les participants, des représentations concoctées par les artistes pour «proposer une lecture sensible des lieux», et un entrecroisement de participations «expertes et intimes».

«Approche culturelle»

Alexis Fichet en a tiré un très beau recueil de fables, les Fables du Bélon (Editions Apogée), au travers duquel il restitue différentes problématiques propres au fleuve : dans «le Grain de sable et le corps mort», il aborde la problématique de l’ensablement, qui continue de rester mystérieuse pour les techniciens. «Tu tourbillonnais ? J’en suis fort aise. /Et bien ! Tu vas sédimenter maintenant. /Demeure au pied de ma falaise : /peut-être avec le temps, /Sous la pression /Ecrasé sous les dépôts, /Sans passion, /Tu trouveras le repos. /Tu seras un rocher, /Tout comme moi, /On pourra s’accrocher /A ton petit poids», écrit le fabuliste. Une manière, pour lui, de poursuivre une intuition : «Une approche culturelle et sensible permet aux gens de se rapprocher de leur rivière mieux qu’un discours technique. Les fables sont une manière d’augmenter la connaissance à propos de la rivière : on y apprend les effets du tronçonnage à proximité d’une rivière, la mécanique de l’ensablement, mais aussi des coutumes très locales, comme lors du “pardon du Lanriot”, au cours duquel les locaux jetaient un cochon à l’eau et concouraient pour aller le repêcher.»

Qu’est-ce que cette enquête et ces récits peuvent apporter sur la manière de gérer les eaux et de vivre au bord d’une rivière ? Pour Alexis Fichet, «arpenter un territoire, mettre en relation des gens qui n’avaient pas l’occasion de discuter, c’est un moteur d’action politique assez fort». Une expérience similaire, également dirigée par Cuesta et à laquelle le dramaturge était associé, a mené les participants à établir une feuille de route à destination des gestionnaires. L’Atlas des rivières de Bretagne, lui, voit un futur dans lequel il existerait «des atlas à l’échelle de chaque cours d’eau» : une manière de se raccrocher aux 30 000 kilomètres de rus et de rivières de Bretagne, dont seulement 32 % sont considérés en bon état écologique, pour saisir, collectivement, le problème à bras-le-corps.