De quoi la désindustrialisation a-t-elle été le nom ? D’une soumission, sans équivalent européen, à la doxa libérale du «fabless» (sans usine) en cours dans les années 90, d’une déterritorialisation de notre économie, d’un sacrifice des travailleurs et des travailleuses sur l’autel de la compétitivité, et finalement, d’un gâchis humain et économique incroyable.
La fin tardive de cet aveuglement a coïncidé avec la remise en cause des ravages de la mondialisation du capitalisme, dont on mesure chaque jour les effets environnementaux et sociaux qu’on disjoint trop souvent, alors qu’ils sont les deux faces d’un même abandon. Pour parler clair : dans bien des territoires, l’effondrement écologique et le délitement social engendré par le chômage de masse ont la même matrice.
Crise écologique multidimensionnelle
Cette politique nous a également entraînés dans des dépendances toxiques dont nous ne prenons toujours pas la pleine mesure malgré la terrible guerre que Poutine continue à mener contre l’Ukraine. L’une des clés de notre souveraineté est notre indépendance industrielle et énergétique ; dès lors comment expliquer le refus de promouvoir la sobriété, pourtant source d’innovation et pourvoyeuse d’emplois ?
Je propose donc de faire de l’écologie le pilier de nos politiques de réindustrialisation. On me dira qu’on n’attend pas les écologistes sur ce terrain. Je répondrai qu’on a tort. Car pour qui veut affronter sérieusement la crise écologique multidimensionnelle à laquelle la planète est confrontée, le combat pour une autre économie est la mère de toutes les batailles. On ne peut faire face au nouveau régime climatique à capitalisme constant.
Pour assurer une transition socialement juste, à la hauteur des enjeux, nous devons changer de paradigme. Sobriété, éco-conception, réemploi, réparation : produire mieux en utilisant moins est la ligne d’horizon du nouveau pacte productif proposé par les écologistes. Il redéfinit nos activités à l’aune de nos réels besoins, en tenant compte de leur coût écologique et social. Et il impose la protection du vivant comme norme de droit, au lieu de détricoter le droit de l’environnement. Car nous avons en mémoire que les décideurs ont trop souvent prétendu accélérer la transition écologique au détriment du droit environnemental à coups de procédures accélérées ou de pseudo-consultations vidées de leur substance.
Nos sols, nos océans, nos forêts et nos cours d’eau
Réindustrialisons-nous, oui, mais pour décarboner notre économie, nos manières de produire, consommer, nous déplacer. Réindustrialisons-nous oui, mais pour dépolluer la planète, assainir nos sols, nos océans, nos forêts et nos cours d’eau – à commencer par nos territoires : vallée de la chimie intoxiquée par les PFAS (dits polluants éternels), vallée de l’Orbiel contaminée à l’arsenic, bassin de Lacq… Mettons les talents de nos chimistes au service de la santé environnementale.
De quoi l’industrie verte doit-elle être le nom ? De la relocalisation de l’économie, de la revitalisation des territoires, de la reconquête de notre souveraineté, de la découverte de la sobriété juste et du retour du sens dans nos existences.