Le centre Pompidou a organisé la semaine dernière trois jours de débats pour s’interroger sur les liens entre transition écologique et transition culturelle. Retrouvez tribunes, interviews et enquêtes dans le dossier thématique dédié à l’événement. Ainsi que les articles des étudiants journalistes de l’IPJ Dauphine venus couvrir le forum pour Libération.
La culture a-t-elle un rôle à jouer dans la prise de conscience des enjeux écologiques ?
La dernière fois, j’étais devant un Matisse et un conférencier est arrivé et m’a demandé : «Les traits qui entourent le visage sont plus épais que ceux qui entourent la robe, pourquoi ?» Et là, on se met à réfléchir, on ne l’avait pas vu. Ce qu’on fabrique dans un musée, c’est de l’attention. Il faut donc mettre la culture au service de l’attention au monde qui nous entoure. Par ailleurs, la transition écologique met à l’épreuve un certain nombre de nos représentations et de nos convictions à un niveau très profond. Notre représentation de la liberté, par exemple, c’est un imaginaire de la circulation sans frontières, de la conquête. On continue à vouloir aller plus vite, plus loin, plus fort, et ce n’est pas facile de renoncer à cette définition de la liberté. C’est une transformation des mentalités énormes et ça, c’est une matière pour les artistes.
L’art permettrait donc d’aider à redéfinir la liberté ?
Tout à fait. Je crois que les artistes ont un énorme rôle à jouer dans la modification et l’absorption de ce qui est en train de nous arriver.
Qu’en est-il du bilan carbone du Centre Pompidou ?
Le bâtiment est une passoire énergétique. On produit de l’air à température constante pour conserver les œuvres du musée, mais une partie de cet air part immédiatement par la façade. On le sait et ça nous importe. Les travaux du centre, qui sont prévus pour 2025, devraient améliorer de 60 % les performances énergétiques du bâtiment. Il y a aussi des choses qui vont bien. La rationalisation de la consommation d’électricité fait l’objet d’une attention très précise au point qu’on a décroché le label Haute Qualité Environnementale pour l’usage du bâtiment. Il y a aussi toute une démarche de transformation écoresponsable de nos pratiques, notamment l’écoconception des expositions et la formation du personnel du centre.
Comment imaginez-vous l’avenir du Centre Pompidou ?
Il va fermer pendant 3 ans (le temps des travaux). En ce moment, on en est à imaginer le Centre Pompidou d’après. D’un côté, il y a le réaménagement des espaces, notamment sur les questions de sobriété énergétique, afin de limiter les espaces climatisés uniquement là où il y en a vraiment besoin pour les œuvres. Ensuite, il y a la poursuite de notre politique de prêt d’œuvres qui est quelque chose de très important : dans tous les scénarios de l’Ademe, il y a la question de la proximité, car si on vit plus proches les uns des autres, on consomme moins d’énergie pour les transports. Or, pour ça, il faut que vous ayez une offre artistique au plus proche de chez vous. Il ne faut pas que vous soyez obligé de monter à Paris pour voir un spectacle ou découvrir une œuvre. La décentralisation des collections du centre est une manière d’irriguer le territoire et de se rapprocher du public. C’est un enjeu pour la sobriété énergétique.