A l’heure de la transition écologique, en partenariat avec la Plateforme d’observation des projets et stratégies urbaines (Popsu), plongée dans les projets et initiatives qui font bouger les politiques urbaines.
L’un des freins majeurs à l’adaptation de nos territoires aux dérèglements climatiques est la formulation de la commande publique, qui est très en deçà des enjeux écologiques actuels. L’ambition ministérielle affichée ne se traduit pas encore sur le terrain.
Au-delà d’un manque évident de moyens financiers et humains (les compétences pour rédiger un cahier des charges, par exemple, font souvent défaut), ce décalage résulte d’une problématique d’échelle. Car aujourd’hui, il n’existe pas de gouvernance pertinente pour porter des projets d’adaptation : les risques accrus d’inondation ou de sécheresse se jouent le plus souvent au niveau d’un bassin versant ou d’une biorégion, c’est-à-dire des espaces géographiques définis par des caractéristiques naturelles tels que les cours d’eau et le relief, et non par le périmètre administratif d’une commune ou d’une communauté de communes. De fait, les actions d’adaptation (renaturer une rivière par exemple, pour limiter l’impact des crues) restent trop dépendantes de la capacité des collectivités territoriales à coopérer et à dépasser leurs différends.
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Mais si planter un arbre fait consensus, recréer un paysage de marais dans une vallée, comme mon atelier l’a par exemple proposé à Grenoble, pour le parc des Boucles de l’Isère, peut être perçu comme trop radical. Changer d’échelle est très déstabilisateur, y compris pour les architectes et les paysagistes. Cela exige notamment de concevoir et de représenter les projets autrement : à l’échelle d’une biorégion, le dessin, qui est pourtant notre outil de réflexion de base, doit se transformer pour ne pas risquer de figer le propos et l’environnement. C’est pourquoi il faut travailler sur la mise en récit des projets à travers la parole et le parcours d’habitants.
Un autre écueil de la commande publique est la dépréciation de la compétence paysagiste, qui est totalement absente de certains appels d’offres, alors qu’elle est plus nécessaire que jamais. S’il est bénéfique que des métiers tels que l’ingénierie en modélisation hydraulique soient mobilisés, le regard du paysagiste reste essentiel : sans cela, nous risquons de répéter la vision passéiste d’un aménagement purement technique, contre laquelle de nombreuses critiques s’élèvent aujourd’hui. Plutôt que d’être écartés de la fabrique urbaine, je crois au contraire que les paysagistes et les architectes doivent devenir de véritables partenaires politiques. En se positionnant très en amont de la commande publique à travers des missions de conseil et d’assistance à maîtrise d’ouvrage, on peut participer à la formuler. Bien sûr, notre rôle d’architecte et de paysagiste n’est pas directement politique. Mais par notre compréhension et notre connaissance scientifique d’un territoire, nous pouvons nourrir le projet politique, et ainsi mieux adapter nos territoires à demain.