Culture, éducation, justice, information, sciences… Syndeac, le syndicat national des entreprises artistiques et culturelles, organise en 2025 une série de débats pour souligner le rôle et l’importance des services publics dans la société. Une série d’événements dont Libération est partenaire. Retour sur le débat «Les défis du service public de la santé», le 6 octobre à Marseille.
Mise en place en 1945, la Sécurité sociale fête cette année ses 80 ans. A sa création, elle visait à protéger l’ensemble de la population résidant en France contre les aléas de santé. Au gré de ses évolutions, un public a toutefois été progressivement mis à l’écart de cette promesse d’universalité : les étrangers en situation irrégulière.
Alors qu’ils pouvaient être affiliés à l’Assurance maladie au même titre que n’importe quel autre travailleur salarié jusqu’en 1993, les étrangers en situation irrégulière vont en être exclus par la loi Pasqua du 24 août 1993. En 1999, la loi créant la Couverture maladie universelle entérine cette condition et institue un système de couverture maladie à deux vitesses : d’un côté l’Assurance maladie pour les Français et les étrangers en situation régulière, de l’autre le renvoi vers l’aide sociale avec l’aide médicale d’Etat (AME) pour les étrangers en situation irrégulière. Des conditions de ressources et de durée de résidence de plus de trois mois s’appliquent à l’AME : ceux qui ne les remplissent pas n’obtiennent aucune couverture et doivent payer de leur poche la totalité des soins et médicaments (à l’exception des soins urgents et vitaux).
Le statut particulier de l’AME, en tant que prestation d’aide sociale, est une précision importante car il complique l’accès aux soins de ces personnes. Tout d’abord, les démarches pour l’obtenir sont spécifiques et moins bien connues, non seulement des demandeurs, mais aussi des professionnels en charge. L’enquête Premiers Pas (2 019) montre ainsi que 49 % des personnes pourtant éligibles à l’AME n’en bénéficient pas, soit qu’elles n’en ont pas fait la demande, soit qu’elles n’ont pas réussi à l’obtenir du fait de la complexité des démarches.
Ensuite, obtenir l’AME ne signifie pas accéder aux soins. L’enquête du Défenseur des droits (2 023) montre que les bénéficiaires de l’AME ont 14 à 36 % de chance en moins d’avoir un rendez-vous chez un médecin généraliste. Plusieurs éléments peuvent expliquer ces refus : les bénéficiaires de l’AME n’étant pas des assurés sociaux, ils ne possèdent pas de carte vitale, ce qui accroît la paperasse et la charge administrative des professionnels de santé. Ces derniers n’ont, de plus, pas le droit d’appliquer de dépassement d’honoraires pour ces patients. Certains professionnels estiment aussi qu’ils n’ont pas à prendre en charge des personnes vivant en situation irrégulière sur le territoire.
Enfin, le panier de soins pris en charge par l’AME est limité : le remboursement est très faible sur les prothèses dentaires et les lunettes, et les bénéficiaires n’ont pas accès aux dispositifs de prévention bucco-dentaires ou au dépistage gratuit de certains cancers. Ils ne peuvent pas non plus accéder aux essais cliniques de nouveaux médicaments, ni aux cliniques privées.
Avoir la possibilité de bénéficier de l’AME ne signifie donc ni l’obtenir, ni pouvoir jouir de l’ensemble des soins. Or la privatisation du système de santé, le coût des médicaments et la diffusion de la logique gestionnaire dans les hôpitaux rendent de plus en plus nécessaire la possession d’une couverture maladie et d’une mutuelle pour être soigné. Le développement de traitements de plus en plus innovants et coûteux pose ainsi de manière encore plus accrue la question de l’égalité dans l’accès aux soins et interroge la légitimité d’une telle exclusion.