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Au rez-de-chaussée de la Philharmonie de Paris, au fond d’une salle de répétition aux parois boisées, un musicien de l’Ensemble intercontemporain fait perler des gouttes d’eau du bout de sa trompette. Au centre de la pièce, portée par le souffle de la flûte et de la clarinette basse, une vingtaine d’enfants de 10 ans étirent leurs bras en avant, l’un après l’autre, comme emportés par un flot imaginaire dans une danse aux allures de crawl.

Depuis un peu plus d’un an et demi, les 18 élèves de la classe de CM2 de l’école élémentaire Cavé (XVIIIe arrondissement de Paris) répètent chaque semaine les chorégraphies imaginées par Martin Grandperret et Aurélie Mouilhade dans le cadre du projet Du terrain à la scène, qu’ils porteront sur les planches de la Philharmonie le 31 mai aux côtés des musiciens de l’Ensemble intercontemporain. Pour ce concert-spectacle, trois compositrices et un compositeur ont imaginé des pièces musicales inspirées de quatre disciplines olympiques : le canoë-kayak slalom, le basketball, le tir à l’arc et le pentathlon – discipline regroupant elle-même cinq épreuves, à savoir la natation, l’escrime, la course à pied et le tir. Le but de cette création mêlant trois formations instrumentales et des chorégraphies d’enfants ? Mettre en regard geste musical et geste sportif, tout en sensibilisant le jeune public à la musique contemporaine. «Mon ambition était de replacer la notion de jeu au cœur de la création musicale et corporelle», retrace Aline Gorisse. La compositrice a travaillé sur le pentathlon, qu’elle a pensé comme des mini-jeux. «En musique comme en sport, le jeu est omniprésent, et ce sont ces duels et ces rythmes communs aux gestes des musiciens et des sportifs que je voulais retranscrire.»

Il était moins question pour les compositeurs de livrer des traductions descriptives des sports que de créer des évocations sonores suggérant les états d’âme et de corps qui traversent à la fois les artistes et les athlètes. Pour Jawher Matmati, qui a écrit sur le basketball, l’idée était de faire cohabiter dans une même composition «le rebond et l’atmosphère même du sport, de la tension du vestiaire avant le match, semblable à celle des loges avant un concert, à la complicité sur le terrain». Ainsi, sa pièce pour percussions, harpe et clarinette basse fait entendre tour à tour le crissement des chaussures sur le parquet et la musique des corps qui parcourent le terrain à vive allure. Entre deux chorégraphies sur le pentathlon, Romy, Elena et Salomé, affalées sur des coussins, racontent pêle-mêle les percussions censées dire les battements du cœur du sportif dans la pièce consacrée au canoë-kayak slalom, la tension à l’œuvre dans la composition consacrée à l’escrime, et les vagues musicales décrivant l’envol du ballon de basket.

«A travers ces créations, les enfants ont découvert de nouveaux modes de jeux, et les sons inouïs que l’on peut obtenir avec des instruments pourtant très communs», se félicite Jawher Matmati. Car l’enjeu de cette création est double : confronter gestuelle musicale et sportive, mais surtout amener de nouveaux publics à découvrir la musique contemporaine par le prisme du sport. Le chorégraphe Martin Grandperret résume : «En transformant le geste sportif en musique, et le mouvement musical en geste chorégraphique, l’objectif est d’ouvrir les imaginaires, pour que les enfants se sentent aussi légitimes sur le terrain de foot que sur la scène de la Philharmonie.»