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Libération
Le Parlement des Liens : tribune

D’une santé individuelle à une santé globale

La journée Libé du Parlement des Liensdossier
La façon dont nous construisons nos sociétés a des conséquences majeures en termes de vie et de mort, de maladie et de handicap. D’autant que lutter contre les inégalités, c’est aussi préserver la planète.
A Paris, en juin. (-/AFP)
par Jean Claude Ameisen, président d’honneur du Comité consultatif national d’éthique (CCNE)
publié le 11 octobre 2022 à 15h08
Avec quels mots répondre aux grands défis de notre temps ? Pour y répondre, trois jours de débats à Uzès (Gard), du 14 au 16 octobre 2022, organisés par le Parlement des Liens et Libération.

Le préambule de notre Constitution proclame que «la nation garantit à tous la protection de la santé», mais notre budget de santé publique est essentiellement consacré au dépistage, diagnostic et traitement des maladies, et néglige la prévention. Pourtant, la protection de la santé requiert non seulement l’accès aux soins, mais avant tout l’accès à la prévention.

La plupart de nos maladies sont des empreintes tardives dans notre corps de nos interactions avec notre milieu, et la Charte de l’environnement proclame que «chacun a le droit de vivre dans un environnement respectueux de la santé». Pourtant, la mort de plus de 40 000 personnes par an causée par la pollution de l’air en France montre que ce droit est peu respecté. Et notre environnement n’est pas que local : il est global, et les zoonoses émergent des dégradations des écosystèmes à travers le monde. Notre santé ne dépend pas seulement de notre environnement naturel, mais aussi de notre environnement humain et, notamment, des inégalités, discriminations, exclusions et privations que nous pouvons subir, souvent depuis la naissance (voire avant) ; ce que l’OMS appelle les déterminants sociaux de la santé. La façon dont nous construisons nos sociétés a des conséquences majeures en termes de vie et de mort, de maladie et de handicap. Et, parce que la santé telle que la définit l’OMS est un état de bien-être physique, mental et social, et qu’elle dépend à la fois de la préservation des capacités de renouvellement des écosystèmes et du respect des droits humains, la prévention dépasse le champ médical : les soignants peuvent alerter et proposer, mais ne peuvent à eux seuls assurer la protection de la santé.

Les victimes des épidémies (dont la pandémie de Covid-19), des crises écologiques et économiques, de la pollution et du changement climatique, sont avant tout les personnes les plus pauvres, fragiles et abandonnées. Non seulement notre mode de développement économique et social n’est ni soutenable ni durable pour les générations futures, mais il est aussi profondément inéquitable pour les générations présentes : plus de 2 milliards de personnes n’ont pas accès à l’eau potable, plus de 800 millions de personnes souffrent des maladies de la faim, 8 millions de personnes sont mortes de faim l’an dernier. Et Amartya Sen (économiste et philosophe indien) a montré que les famines ne sont pas dues à un défaut de production de nourriture mais à des inégalités, à un déni des droits. En France, plus de 10 millions de personnes, dont un enfant sur cinq, vivent sous le seuil de la pauvreté ; et les personnes les plus vulnérables sont regroupées, séparées des autres ou abandonnées au lieu d’être aidées à vivre avec les autres, parmi les autres.

Répondre d’abord aux besoins des plus démunis, lutter contre les inégalités, respecter les droits de chacun et préserver notre planète sont une base indispensable pour construire un avenir humain commun, et créer les conditions qui nous permettront d’assurer la santé de tous.