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Climat Libé Tour Bourges : tribune

Ecologie : montrer que l’après est convaincant, désirable, possible…

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Glaciologue et autrice, Lydie Lescarmontier souhaite donner de la visibilité à un avenir environnemental d’apparence incertain, via les émotions que procure la culture.
A Bourges, dans le Cher. (Tuul & Bruno Morandi/Getty Images)
par Lydie Lescarmontier, glaciologue et autrice
publié le 3 avril 2025 à 4h19

En tant que glaciologue, j’ai parcouru les pôles dans tous leurs recoins. Ma spécialité est le suivi de l’impact du changement climatique sur les calottes polaires à l’aide de données prélevées sur le terrain et d’images satellites. Alors comment expliquer qu’un jour, Sébastien Minchin, le directeur du Museum d’histoire naturelle de Bourges, cette petite ville du Centre, bien loin des cimes enneigées et des océans polaires, ait cru bon de me contacter pour me proposer de devenir marraine de la candidature de Bourges à la capitale européenne de la culture ?

Dans un premier temps, j’étais persuadée que Bourges cherchait une porte-parole locale, nourrie aux fromages de chèvre et aux lentilles du Berry. Pourtant, mon enquête me montre que l’équipe qui se constitue autour de la candidature n’a encore aucune idée de mes origines berruyères… Il faut croire que leur instinct aura été suffisant pour dénicher la seule glaciologue jamais portée par la région.

Leur réflexion est déjà très avancée et leur ambition pour cette nouvelle proposition culturelle, c’est une vision prenant en compte un contexte environnemental en pleine mutation. Les «Territoires d’avenir». Pour l’équipe, pour le maire, il va sans dire que cette candidature doit montrer le chemin de l’après et repenser l’impact de la culture, à la fois dans la conception de projets, mais aussi dans ses narratifs vecteurs de transition. Et c’est ce qu’ils recherchent à travers mon parcours.

Cette vision me convainc sur-le-champ car elle correspond parfaitement à mes convictions. Car ce travail artistique et culturel, que je n’ai pas encore exploré, me semble être la parfaite clé de voûte qui permettra l’accélération de cette transition. Mon parcours m’a menée, après dix ans de recherche, à rejoindre un centre Unesco d’éducation au changement climatique afin de répondre à mon besoin de m’engager pour accélérer la transition écologique. Ce travail, fondé sur des données scientifiques solides, de qualité et validé par ma communauté, nous a permis d’avancer dans la prise de conscience climatique et la compréhension des enjeux au sein des écoles, des ministères de l’Education. En revanche, après des années de retour sur l’impact de notre travail, je comprends qu’une éducation amenant à de véritables changements de comportement ne peut fonctionner sans deux autres composantes : l’émotion et la vision.

L’émotion, c’est un levier. Mon propre engagement pour les pôles n’est pas né de mon travail de scientifique, il est né de l’émotion que j’ai ressentie face à la disparition de glaciers que je connaissais par cœur. Et puis la vision, c’est raconter une histoire, c’est donner de la visibilité à un avenir qui semble incertain. C’est montrer que l’après est convaincant, désirable, et possible. Comment imaginer meilleur vecteur que l’art et la culture pour répondre à ces deux besoins ?

Aujourd’hui, j’ai le grand plaisir d’avoir rejoint le collectif chargé de la mission bas carbone et transitions écologiques de Bourges 2028 auprès de David Irle, Hermann Lugan et Anne Poursin, pour chorégraphier cette ambition. Et ainsi utiliser l’opportunité incroyable de voir ma ville natale repenser l’ensemble de sa proposition touristique, culturelle, artistique et le fonctionnement de son territoire pour se mettre en mouvement et offrir, à la fois pour 2028, mais aussi et surtout pour l’après, un renouveau. Une ville à taille humaine, qui par la force de ses idées et de ses convictions, s’est lancé ce pari un peu fou de se projeter dans un avenir plein de sens.