Initiative citoyenne, le Festival des Idées organise, du 4 au 6 juillet à la Charité-sur-Loire, plus de 30 rendez-vous pour débattre des défis culturels et politiques de demain. Un événement dont Libération est partenaire.
«Demain dans notre pays, il ne sera plus possible d’accepter que la lutte contre la pauvreté soit entreprise sans consultation de ceux qui la vivent tous les jours.» C’était en juillet 1995, Geneviève de Gaulle Anthonioz, présidente d’ATD Quart Monde, présentait au Conseil économique social une évaluation des politiques publiques de lutte contre la pauvreté.
Trois ans plus tard, ce rapport débouchait sur la loi d’orientation relative à la lutte contre les exclusions. Celle-ci faisait de cette lutte «un impératif national fondé sur le respect de l’égale dignité de tous les êtres humains et une priorité de l’ensemble des politiques publiques de la nation» et fixait comme objectif de «garantir sur l’ensemble du territoire l’accès effectif de tous aux droits fondamentaux dans les domaines de l’emploi, du logement, de la protection de la santé, de la justice, de l’éducation, de la formation et de la culture, de la protection de la famille et de l’enfance».
Sans coordination ni moyens
Mais vingt-sept ans plus tard, le temps d’une génération, nous sommes très loin d’avoir atteint cet objectif. Nous avons en réalité renoncé à le poursuivre.
La lutte contre la pauvreté n’est plus une préoccupation des pouvoirs publics. Les droits sociaux, pourtant garantis théoriquement par le préambule de notre Constitution et par la Charte sociale européenne, ne sont pas effectifs. 11,2 millions de personnes vivent sous le seuil de pauvreté (1 216 euros par mois), soit 14,4 % de la population (Insee, 2025). 330 000 personnes sont sans abri, un chiffre qui a plus que doublé en dix ans (Fondation pour le logement des défavorisés). 12,7 % de la population est en situation de privation matérielle et sociale (CNLE, 2024).
Au lieu de mettre en œuvre une politique globale et coordonnée de lutte contre la pauvreté, nous multiplions les textes spécifiques sur le logement, le travail, la santé, la formation… sans évaluer les besoins, sans coordination et sans moyens suffisants.
En réalité, nos gouvernements ne luttent plus contre la pauvreté mais contre les pauvres ! La dernière loi dite «plein-emploi» remet en cause le droit constitutionnel à des moyens convenables d’existence en imposant de nouvelles exigences aux allocataires du RSA et en instituant de nouvelles sanctions avec le décret «suspension-remobilisation» du 31 mai dernier. Les aides sociales ne sont plus des droits, elles nécessitent désormais des contreparties.
Un emploi digne et décent
Si nous voulons un pays en paix, une démocratie apaisée, il faut enfin faire de la lutte contre la grande pauvreté un impératif national. Et pour cela commencer par évaluer toute politique publique à partir de la vie des 10 % les plus pauvres.
L’expérimentation Territoires zéro chômeur de longue durée montre déjà les possibles sur 83 territoires, avec plus de 4 000 personnes embauchées en CDI au smic. Oui, les plus pauvres veulent un emploi digne et décent ! Et quand on y parvient, cela change non seulement leur vie personnelle, mais aussi celle de leurs quartiers, de leurs jeunes et de leurs enfants.
Les pouvoirs publics, garants de la cohésion sociale et de la solidarité nationale, doivent enfin prendre en compte les personnes les plus exclues et construire avec elles les politiques publiques qui leur permettent de retrouver leur pouvoir d’agir et d’exercer pleinement leur citoyenneté. C’est une condition sine qua non, pour gagner le combat contre la misère, mais aussi pour refaire société, et préserver notre démocratie.