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Climat LIbé Tour Dunkerque: enquête

En mer de Dunkerque, un projet d’éoliennes fait des vagues

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Au terme d’une enquête publique achevée en fin d’année, le sort d’un parc éolien en mer prévu au large de Dunkerque depuis 2019 sera bientôt tranché. Si le préfet décide de donner le feu vert, un recours en justice pourrait être déposé par les associations qui s’opposent au projet, situé en pleine zone Natura 2000.
Des militants anti-parc éolien du collectif Vent Debout défilent à Malo-les-Bains (Nord) pour montrer leur opposition au projet éolien offshore et demander un referundum sur la question, à Dunkerque en juin 2020. (Hugo Clarence Janody/Hans Lucas)
par Mehdi Magueur, journaliste étudiant à l'ESJ Lille
publié le 13 novembre 2023 à 3h05

Un vent d’incertitude souffle sur le projet de parc éolien au large de Dunkerque. Au mois de septembre, deux instances rattachées au ministère de la Transition écologique ont émis plusieurs réserves quant à la poursuite du projet. Le premier rapport est rendu le 18 septembre, par le Conseil national de la protection de la nature (CNPN). «Ce projet est situé dans un couloir de migration d’oiseaux d’importance internationale, et au sein d’une zone Natura 2000», alerte l’instance qui détient un rôle d’expertise technique et scientifique sur les questions de biodiversité.

Quelques jours plus tard, l’Autorité environnementale, chargée d’évaluer les impacts environnementaux des projets menés par le gouvernement, y va également de ses recommandations. L’entité publie un avis dans lequel elle recommande à l’Etat de revoir sa copie, tout en s’inquiétant des enjeux liés à l’implantation de l’industrie au large de Dunkerque.

Retour en juin 2019. Le projet de parc éolien en mer de Dunkerque est alors attribué par l’Etat au consortium EMD (Eoliennes en Mer de Dunkerque). Du côté des maîtres d’œuvre, on retrouve EDF Renouvelables et Enbridge, une entreprise canadienne. Les autorités vendent un projet capable de répondre aux objectifs de la transition énergétique fixés par le gouvernement français d’atteindre 40 % de production d’électricité renouvelable d’ici 2030. Au total, ce sont 46 éoliennes de 300 mètres de haut qui seront bâties face à la plage, entre Dunkerque et Bray-Dunes.

«C’est une aberration»

Un débat public est alors organisé entre septembre et décembre 2020 avec les habitants du Dunkerquois. «C’était surtout une présentation de la part des promoteurs, on ne peut pas vraiment appeler ça un débat», se souvient Florent Caulier, président de Vent Debout 59. L’association s’est formée en octobre 2020, d’abord sous forme de collectif. Les habitants qui la composent se présentent apartisans, réunis spécialement pour s’opposer à l’arrivée des éoliennes au large de Dunkerque. Ils organisent aujourd’hui leurs propres réunions, dans lesquelles ils répètent leurs arguments anti-parc éolien. «Tout d’abord, il y a l’inquiétude sur le devenir du paysage. Beaucoup s’interrogent sur ce à quoi ressemblera la plage si ce projet voit le jour. Puis on a découvert petit à petit les problèmes écologiques puis administratifs soulevés par ce projet», explique Florent Caulier.

Au mois de mai 2021, le gouvernement vient confirmer la poursuite du projet par la voix de Barbara Pompili, ministre de la Transition écologique à l’époque. «Le parc, dont la mise en service est prévue pour 2027, comptera au maximum 46 éoliennes, et pourra produire de l’électricité renouvelable pour près d’un million de personnes», indique le communiqué du ministère. Deux promesses sont livrées à cette occasion. Tout d’abord, les éoliennes seront éloignées du littoral, qu’elles n’approcheront pas à moins de 11 kilomètres. Le gouvernement assure également qu’une étude d’impact environnemental réalisée «avec l’expertise d’associations naturalistes» sera menée.

Problème : ces études n’ont jamais vu le jour. «Il aurait fallu attendre leurs résultats avant de démarrer un quelconque appel d’offres. C’est une aberration», lâche Loïc Marion, ancien chercheur et ornithologue, actuel président du CNPN. Dans son avis du mois de septembre, l’instance, qui réunit plusieurs scientifiques, rappelle les conséquences majeures que pourrait causer le chantier en matière de biodiversité. «A peu près deux millions d’oiseaux passent par ce couloir migratoire chaque année. Tous les oiseaux de la mer du Nord qui émigrent vers la Manche et l’Atlantique passent obligatoirement par là», explique Loïc Marion. En outre, «il n’y a pas eu d’étude d’impact stratégique pour définir le choix de cette zone», avance le scientifique. Le lieu choisi par l’Etat pour bâtir ce parc éolien se trouve dans une zone Natura 2000, site naturel protégé, où les aménagements industriels sont normalement interdits. Contacté, le ministère de la Transition écologique n’a pas donné suite.

Décision attendue d’ici à mi-2024

Alors, quel avenir attend le projet controversé ? Pour le Conseil national de la protection de la nature, il faut purement et simplement l’abandonner. «Compte tenu des éléments observés, il faut oublier Dunkerque et descendre plus bas sur le littoral», estime Loïc Marion. Du côté associatif, Vent Debout 59 continue de mener des réunions pour convaincre les habitants. Le mot d’ordre : empêcher le parc de voir le jour. Une pétition contre le projet lancée par l’association réunit à ce jour 21 000 signatures. Florent Caulier, lui, est persuadé de pouvoir réunir au-delà de la cité portuaire. «Les éoliennes ne concernent pas que Dunkerque, tous les habitants peuvent s’emparer de la question, la mer appartient à tout le monde», explique le militant. L’association s’est d’ailleurs récemment félicitée de l’arrivée de trois communes du territoire dans le camp de l’opposition : Bray-Dunes, Zuydcoote et Ghyvelde-Les Moëres, qui ont voté contre le projet.

Pour l’heure, la prochaine enquête publique devrait se tenir en fin d’année. Puis, la commission d’enquête publique rendra un avis, avant que la préfecture du Nord livre sa décision, probablement au printemps 2024. Si le projet est validé, les éoliennes devraient pousser au large de Dunkerque en 2028. Dans ce scénario, les associations qui luttent contre leur arrivée envisagent déjà de déposer un ou plusieurs recours en justice. «Si la réglementation européenne et française est appliquée par le Conseil d’Etat, il ne pourra que débouter ce parc», prédit Loïc Marion.