Comment réinventer une gouvernance qui fait la part belle aux coopérations entre État, collectivités territoriales, associations, entreprises et citoyens ? Quelle place alors pour cette France qui essaie ? Rendez-vous le 26 octobre prochain au Conseil économique, social et environnemental. Evénement réalisé en partenariat avec l’association des départements solidaires, le département de la Gironde et la Fondation Jean-Jaurès. Inscription gratuite : cliquez ici.
En 2040, la Meurthe-et-Moselle devrait compter plus de 210 000 personnes âgées de plus de 60 ans alors qu’elles sont aujourd’hui au nombre de 174 000 (pour 732 000 habitants), soit une augmentation de 20 %. Comment dès lors recruter, motiver ou fidéliser les personnes chargées d’aider le troisième âge ? C’était le but d’une enquête lancée auprès des aides à domicile en milieu rural (ADMR) lancée au lendemain du premier épisode Covid, en 2020. L’association locale constatait alors un fort absentéisme et la difficulté à donner du sens à ces métiers pourtant essentiels. «Le problème du secteur consiste notamment en une image négative qui est souvent véhiculée : des horaires importants, beaucoup de temps partiel, une rémunération qui est rarement à la hauteur, expliquent de concert Jean-Marc Lucien, directeur de fédération départementale ADMR 54 et Jeanne Ubersfeld, présidente de la fédération. Tout cela a concouru à assécher les candidatures alors que les besoins en personnel sont importants. On avait pourtant déjà mis en place des primes d’assiduité, un accompagnement de nos services à domicile avec des infirmiers.»
En octobre 2020, le conseil départemental organise une journée d’informations et d’échange autour du modèle «Buurtzorg» («soins de quartier») venu des Pays-Bas. Dans ce concept innovant centré sur «l’humain d’abord», les équipes sont reliées entre elles par des échanges permanents (via un réseau social interne) et partagent informations et conseils. Les interventions se font sur une zone géographique limitée pour éviter les trop longs déplacements.
Concilier travail et vie personnelle
L’expérimentation est lancée et le résultat, selon les responsables, ne s’est pas fait attendre. Beaucoup moins d’absentéisme et davantage de cœur à l’ouvrage et également, plus d’entraide. Jeanne Ubersfeld le confirme : «Meilleure connaissance des collègues, participation à la mise en place de la planification et de la façon d’appréhender les personnes qu’elles accompagnent… Le fait de ne plus subir les choses mais d’être acteur de ce qu’elles font s’est progressivement installé.» Ainsi, ce sont aujourd’hui de petites équipes qui se forment composées d’aides à domicile, d’encadrants et de personnel administratif. Les aides ont un accès transparent à leur planning et sont force de proposition. Désormais, grâce à ces innovations, nombre d’ADMR disent pouvoir de nouveau concilier travail et vie personnelle.
Au final, le taux d’absentéisme a chuté à 7 % (contre 20 % auparavant), les aides ont plus de souplesse, pour intervenir de manière qualitative et correcte. Et Jeanne Ubersfeld d’ajouter : «L’entraide joue davantage. Si une collègue a mal au dos, on va la délester de ses activités, et comme ça, elle ne sera pas arrêtée et elle pourra poursuivre.» Autre point positif, de meilleurs plannings pour les soignants et moins de turn-over. «“J’aimerais bien ne pas avoir à montrer mes fesses à vingt personnes différentes”, nous a confié un usager ! Là c’est six à sept personnes différentes maximum par patient. On constate donc un gain de confort et moins de stress pour ceux qui reçoivent les soins». Quant aux intervenantes, elles n’ont pas à se demander où se trouve le matériel ni comment s’appelle la personne visitée.
«Mettre l’humain au cœur de notre politique»
Pour le conseil départemental de Meurthe-et-Moselle qui coiffe l’initiative, il a fallu «déconstruire les modes de pensée habituelles, pour aboutir à un meilleur respect des aides à domicile entre elles. L’éthique et l’incarnation de nos valeurs cela change l’accompagnement des encadrants. En ce sens, ça fonctionne bien, c’est un tout». «Notre ambition est claire : mettre l’humain au cœur de notre politique, conclut Chaynesse Khirouni, présidente socialiste du département, pour mieux accompagner le bien vieillir ou la perte d’autonomie en raison de l’âge, du handicap ou d’un accident de vie.»