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Anne Terlez est la première adjointe au maire de Louviers (Eure), vice-présidente du conseil départemental de l’Eure, en charge de la santé, de l’autonomie et de la lutte contre les exclusions. Elle détaille ici le dispositif «Doct’Eure», un bus qui sillonne le département.
«Souvent, les habitants du département nous parlent de la santé et de l’accès aux soins. Ce sont des compétences du département, de la protection de l’enfance, des missions sociales et médico-sociales. Sébastien Lecornu, le président du département, a lancé les Etats généraux des solidarités qui se sont déroulés sur plus d’un an. On a démarré ces assises en mars 2022. Le but était de réfléchir avec les acteurs associatifs et les partenaires institutionnels.
«Le sujet de la démographie médicale a été abordé, et nous avons procédé à un sondage en demandant aux habitants quelles étaient leurs priorités. La numéro 1 : l’accès aux soins. Le département de l’Eure compte 80 % de son territoire en zone sous densifiée, avec 57 médecins pour 1 000 habitants, et c’est loin de la moyenne nationale (77 pour 1 000). On ne pouvait rester inactifs. Une commission paritaire a été formée au sein du département, car il paraissait nécessaire d’entendre les professionnels, les étudiants et tous les acteurs du secteur médico-social (Agence Régionale de Santé, établissements hospitaliers…), pour élaborer un plan ambition santé.
Habitants sans médecin traitant
«Le Doct’Eure passe bien. On s’est aperçu que la médecine salariée est un mode d’exercice qui plaît bien aux jeunes médecins. On a une problématique de mobilité très forte. Globalement, les travailleurs pauvres, avec charge de famille, ont des distances difficiles à combler. Le véhicule du Doct’Eure part pour aller vers les gens. Le véhicule utilitaire se déplace à une demi-heure d’un centre de santé fixe. Notre cible principale sont les habitants en affection longue durée, sans médecin traitant. Il faut souligner que 10 % des habitants de notre territoire sont sans médecin traitant.
«Nous avons lancé l’opération en mai, ciblé nos praticiens auprès des jeunes retraités qui avaient envie de poursuivre leur activité. On a remporté un beau succès avec de nombreux candidats. Ils sont totalement déchargés des tâches administratives. Le retour est très positif. Les médecins travaillent selon leurs envies, profitent de leur famille et conservent leur pratique.
«L’opération coûte deux millions d’euros par an et a reçu la validation de l’Agence régionale de santé et de l’ordre des médecins pour cette opération. On est partis de 110 consultations mensuelles au début, et on est montés à aujourd’hui 623. Il a fallu le temps du bouche à oreille…
Réponse concrète à un besoin concret
«Nous avons travaillé d’arrache-pied avec les communes pour faire la promotion de cet outil, afin qu’une confiance s’établisse. Les consultations supplémentaires réduisent la fracture d’accès au soin. Cela permet de décharger les médecins installés, de rassurer les jeunes médecins qui veulent s’installer dans le département. Et de réduire le nombre de patients (entre 2 000 et 2 500 patients par praticien quand la moyenne nationale est à 1 500).
«On avait précédemment financé un sujet de recherche sur la question de la prévention du cancer du sein, avec une “mammobile” qui a sillonné le département. Quand la sécurité sociale envoie des avis pour des examens de santé, les taux de retours ne sont pas très bons. Si on va à la rencontre des gens, on peut améliorer le dispositif. Certaines femmes ont pu dire : “Pour la première fois depuis très longtemps j’ai pris soin de moi.”
«Bref, une réponse concrète a un besoin très concret. Il y avait urgence : nos médecins sont frappés par les lacunes fortes des parcours de santé, alors que certains patients sont parfois atteints d’un diabète sévère ou de maladie cardiorespiratoire. Les cancers sont détectés plus tard, avec des taux de mortalité plus forts que dans le reste de la France. L’espérance de vie, a minima, stagne ou diminue, dans notre département.
«Au final, c’est toute la question de la prévention, du maintien en bonne santé, des bonnes habitudes à prendre qui est sur le tapis, est sur le tapis. Le lien social, l’isolement, sont des questions très importantes chez nous. On réfléchit aussi à une alimentation sur ordonnance. On a besoin de cette alliance sanitaire et sociale, pour que les gens reprennent pied.»