Sylvie Allen-Mahé, coordinatrice Environnement pour le Territoire de Saint-Pierre-et-Miquelon, revient sur les conséquences du changement climatique dans l’archipel.
En quoi votre archipel est-il si particulier en termes de biodiversité ?
A cause de notre situation géographique proche du Canada. A 20 km au sud de Terre-Neuve, notre archipel est en effet très différent du territoire national ou des autres outre-mer français ! Notre particularité vient du fait que malgré notre petite taille (242 kilomètres carrés) les trois îles de l’archipel bénéficient d’une très grande diversité d’écosystèmes. Marins, bien sûr avec de nombreux mammifères et oiseaux, mais nous abritons aussi la seule forêt boréale française, sur 3 000 hectares, ainsi que de très nombreuses et précieuses tourbières, qui représentent près de 20 % de notre territoire. Autre écosystème unique : cette formation dunaire – que l’on nomme tombolo double – qui relie l’île de Miquelon à celle de Langlade, sur 12 km de long et qui a donné naissance à une lagune d’eau salée de 1 000 hectares. Ce Grand Barachois – c’est son nom – constitue un espace remarquable et unique dans cette région du monde. Il abrite de nombreuses colonies de phoques gris et de phoques communs, mais aussi des espèces de canards et d’oies sauvages. C’est cette grande variété d’écosystèmes qui explique la richesse de notre faune et de notre flore sur un si petit espace !
Quels sont les enjeux de protection auxquels vous êtes confrontés ?
Ils sont plusieurs. Concernant la forêt boréale, nous constatons une régression de celle-ci, car elle a de plus en plus de mal à se reconstituer naturellement. Un phénomène assez complexe qui s’explique à la fois par la présence de nombreux cerfs de Virginie et de lièvres importés d’Amérique, que nous régulons, et à cause de l’évolution du climat qui entraîne une diminution des précipitations ou le développement d’insectes ravageurs. C’est donc un sujet que nous suivons de très près. Autre aspect : l’accueil du public. Si l’objectif de notre territoire est d’encourager la fréquentation touristique de nos îles, cela implique un meilleur accueil de ceux-ci dans les espaces naturels. C’est la raison pour laquelle nous développons les informations sur ces sites ou la création de sentiers balisés, afin de canaliser les visiteurs et de préserver ces lieux fragiles. Nous avons aussi créé une Maison de la Nature et de l’Environnement sur l’île de Miquelon et développé un portail internet et une application «Patrimoine naturel de Saint-Pierre-et-Miquelon», pour mettre à la disposition de tous les informations, explications et images sur la richesse de notre archipel.
Quelles conséquences du changement climatiques subissez-vous ?
Comme tout territoire marin, nous sommes confrontés à la montée du niveau de la mer. L’érosion littorale est très forte dans certaines zones, comme entre les deux îles, où nous avons dû disposer des enrochements pour maintenir la route. Mais nous savons que d’ici quelques années, la séparation des deux îles sera inévitable. Face au risque de submersion, le village de Miquelon a déjà quant à lui, prévu et organisé son «déménagement» à 2 km à l’intérieur des terres. Un plan d’aménagement a été établi et les premières parcelles à construire sont déjà proposées aux habitants. Ce déplacement d’un village de 600 personnes, le premier du genre au niveau national, constitue clairement un cas d’école.