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Solutions solidaires: initiative

En Seine-Saint-Denis, un meilleur accompagnement vers l’emploi sans la charge du RSA

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Dans le département confronté à une grande pauvreté, un dispositif lancé en 2022 permet de renforcer le suivi des allocataires et commence à porter ses fruits en termes d’insertion professionnelle.
En 2020, le RSA représentait «plus d’un quart des dépenses de fonctionnement de la collectivité», rappelait le président du conseil départemental, Stéphane Troussel. (Noémie Coissac/Hans Lucas via AFP)
publié le 17 novembre 2024 à 19h15

Faire plus et mieux : tel est, depuis deux ans, l’objectif du département de la Seine-Saint-Denis en matière d’insertion professionnelle. Le dispositif intitulé «Nouvelle Donne de l’insertion» marque en effet un tournant dans la gestion du revenu de solidarité active (RSA) et l’accompagnement de ses allocataires vers l’emploi. En le lançant le 1er décembre 2022, le département a été l’un des premiers en France à obtenir une recentralisation du RSA pour une période de cinq ans. Ce dispositif permet de transférer la charge du financement de l’allocation à l’Etat, déchargeant ainsi le département de cette dépense significative.

En 2020, le RSA représentait en effet «plus d’un quart des dépenses de fonctionnement de la collectivité», rappelait le président du conseil départemental, Stéphane Troussel, via une note de la Fondation Jean-Jaurès dans laquelle il dénonçait une «asphyxie budgétaire». Grâce à quelque 22 millions d’euros supplémentaires de budget, Mélissa Youssouf, vice-présidente du département en charge de l’insertion, de l’économie sociale et solidaire et des fonds européens, explique que la collectivité a eu à cœur de faire «un saut qualitatif» dans l’accompagnement des allocataires du RSA.

Un accompagnement personnalisé

La Seine-Saint-Denis est loin d’être un département comme les autres. Il s’agit de l’un des plus jeunes et densément peuplés du pays, mais également celui où le taux de pauvreté est le plus élevé. Parmi les presque 100 000 allocataires du RSA (pour 1,6 million d’habitants), certains ont un profil très éloigné de l’emploi. C’est dans ce contexte que la recentralisation du RSA propose des dispositifs d’accompagnement intensif. Grâce à cette nouvelle manne financière, le département peut mieux «considérer les gens dans leur globalité et leur unicité, explique Mélissa Youssouf, pour qu’il y ait vraiment de l’équité» avec les autres territoires qui ne connaissent pas les mêmes problématiques que la Seine-Saint-Denis.

Vingt-deux agences locales d’insertion (ALI) ont ainsi ouvert leurs portes afin de proposer aux bénéficiaires du RSA un accompagnement personnalisé. Ces agences, où collaborent des conseillers en insertion professionnelle, des psychologues et des assistants sociaux, permettent de «détecter les freins» du retour à l’emploi et de débloquer les situations, explique Mérita Selimi, directrice de l’association Aurore en Seine-Saint-Denis, et à la tête de trois de ces ALI. La question de la petite enfance est l’un des exemples phares de ces freins : le manque de places en crèches est une difficulté majeure, rappelle Mélissa Youssouf.

Des sessions de remobilisation permettent aux allocataires de regagner confiance en eux, et des immersions en entreprise les aident à réintégrer le monde du travail. L’association Aurore et les ALI en général se sont forgé un réseau d’entreprises et de centres de formation partenaires, ce qui permet de proposer des solutions concrètes aux allocataires suivis, mais aussi de bien connaître leur évolution. La coopération avec des prestataires tournés vers l’estime de soi est également capitale dans la réussite de ces ALI. «A Livry-Gargan, on a fait une journée où une coiffeuse, une kiné et plein de médecins ont été invités pour mettre le bien-être au centre de l’équation», indique Mérita Selimi. Une autre fois, c’est un photographe qui est venu : grâce à cette initiative, «les gens se sont sentis beaux, mis en valeur», ce qui n’est pas anodin dans un parcours de réinsertion.

«Casser la violence du guichet»

Le suivi est, lui aussi, renforcé : les bénéficiaires sont accompagnés par un référent unique tout au long de leur parcours. «Dans les ALI, où tout le monde se connaît nominativement, chaque conseiller suit entre 90 et 100 allocataires», explique Mérita Selimi. «Cela permet aussi de casser cette violence du guichet», ajoute Mélissa Youssouf. Ainsi, le suivi se fait à raison d’une fois tous les deux mois : c’est beaucoup plus que les dispositifs précédents, où les professionnels ne pouvaient rencontrer les allocataires qu’une fois par an, et encore. «Le suivi plus intensif porte ses fruits», se réjouit la directrice départementale d’Aurore. En deux ans à peine, «l’agence de Livry-Gargan peut déjà se targuer de retours à l’emploi de l’ordre de 25 à 30 %», explique-t-elle.

En 2027, la convention de cinq ans de recentralisation du RSA touchera à sa fin. Qu’adviendra-t-il de la Nouvelle Donne de l’insertion ? Mérita Selimi se montre optimiste quant à un possible renouvellement du dispositif. Elle estime notamment que les ALI auront un rôle clé à jouer, notamment lors de la mise en place des quinze heures d’activités obligatoires pour les allocataires du RSA. La Nouvelle Donne de l’insertion a, par ailleurs, été implantée dans plusieurs autres départements, parmi lesquels l’Ariège et les Pyrénées-Orientales.