Biodiversité, espace, intelligence artificielle, éducation… Coups de projecteur sur les conférences et rencontres organisées à la Cité des Sciences et de l’Industrie. Aujourd’hui, la conférence de l’écologue Loïc Bollache.
Loïc Bollache est écologue comportemental au laboratoire CNRS Chronoenvironnement de Besançon. Il s’intéresse aux relations entre les espèces et s’oppose à une idée reçue : les animaux ne pourraient pas être violents sans raison.
Comment en êtes-vous venu à étudier les animaux sous le prisme de la violence ?
En 2020, j’ai sorti un premier ouvrage où je parlais des intelligences animales, de leurs coopérations multiples. C’est un sujet fascinant mais souvent je me retrouvais en face de personnes persuadées du côté uniquement merveilleux des animaux. Ils avaient une image fantasmée d’une nature idéale. La réalité est plus complexe et la guerre est la face cachée de la coopération. Si cette dernière n’est plus possible, elle débouche sur des conflits. Bien sûr, la violence peut être liée à l’écologie trophique, c’est-à-dire aux habitudes alimentaires. Un lion qui mange une gazelle, c’est une prédation violente intrinsèque à la position de l’espèce. Mais au-delà de ces rapports, il existe une forme de violence collective notamment au sein même d’une espèce. Le collectif se plaît en général à s’ériger contre un ennemi commun. En situation de stress, les poules ont pris l’habitude de se décharger sur un individu du poulailler. Il devient le bouc émissaire.
Ces conflits sont courants chez les animaux et protéiformes ?
Oui, on en trouve tout un panel, des phénomènes de bandes, de raids. Les chimpanzés surveillent leur territoire, ils sont très coopératifs entre eux mais régulièrement et sans raison apparente, ils vont mener des expéditions punitives. Ils se mettent en file indienne, silencieux, et pénètrent le territoire voisin, jusqu’à tomber sur un ou deux individus isolés et les rouer de coups à la mort. C’est horrifiant et cela peut paraître gratuit car ce n’est pas pour chercher de la nourriture, plutôt comme une guerre préventive, afin d’éviter que le clan d’à côté ne devienne trop puissant. Cela permet aussi d’agrandir son territoire.
Les exemples sont nombreux. Chez les mangoustes et les suricates, chaque bande possède un territoire et régulièrement, ils vont livrer bataille au clan opposé. Ils ont des meneurs spécialisés qui enclenchent les conflits. Si certains ne veulent pas faire la guerre, ils sont entraînés par les plus belliqueux.
Il existe donc des animaux plus violents que d’autres au sein d’une même espèce ?
Un chercheur américain, Robert Sapolsky, a montré que dans un groupe de singes, le babouin olive, à la suite de la disparition accidentelle des mâles dominants, l’ambiance devient plus cool et pacifiste. Les individus préférant se masser et se tripoter à la façon des bonobos. On évoque aussi souvent la «guerre des sexes», c’est un abus de langage, car en réalité la violence des mâles est rarement collective. On recense cependant d’horribles cas de viols collectifs parfois jusqu’à la mort chez les animaux, que ce soient les canards, les dauphins ou les loutres de mer.