Depuis la fin des années 80, nous observons en France une prise en compte croissante des dimensions environnementales de l’eau dans les politiques publiques urbaines. C’est positif, mais cela reste insuffisant, car cela ne se traduit pas toujours par une considération accrue pour la biodiversité aquatique et des milieux humides. L’approche paysagère d’une nature urbaine hygiénisée reste prégnante. Pourtant, de même que les trames bleues et vertes sont indissociables, on ne peut séparer la biodiversité de l’hydrologie. Les enjeux écologiques, atmosphériques et climatiques liés à l’eau sont indissociables.
Il faut rappeler que l’eau est essentielle à l’équilibre urbain. Elle atténue les extrêmes hydroclimatiques, dont les risques d’inondations et les îlots de chaleur, par son effet rafraîchissant. Ce rôle de régulateur opère d’autant mieux que la morphologie «naturelle» du cours d’eau est respectée, que le vivant l’habite et peuple ses rives. Ainsi, lors de fortes pluies par exemple, quand une rivière déborde, elle restera d’autant plus facilement dans son lit que ses berges sont végétalisées et perméables. C’est un fait : la végétation diminue la vitesse du ruissellement, et abaisse également la charge polluante.
Or, pendant des décennies, l’ingénierie civile et sanitaire a créé une hydrographie artificielle pour optimiser le fonctionnement économique et social des villes. Ce parcours de l’eau «moderne», devenu quasi étanche et invisible, a longtemps été pensé à travers la seule logique de l’assainissement. Alors que les rivières urbaines ont été réduites au rôle de collecteur souterrain et de réceptacle d’eaux pluviales et d’eaux usées traitées, comment peut-on reconnecter l’hydraulique urbaine au vivant ? La question est un enjeu majeur de renouvellement urbain.
Depuis la directive-cadre sur l’eau de 2000, les collectivités ont obligation de résultat quant au bon état écologique des eaux. Mais entre la préservation des espèces aquatiques et les réseaux urbains actuels d’eaux usées et pluviales, il y a une contradiction forte qui est encore trop rarement dépassée. Bien sûr, des obstacles existent : les aménageurs publics et privés se heurtent notamment au manque à gagner financier qu’occasionne souvent un projet de végétalisation.
Mais il y a urgence à ce que l’eau, dans toutes ses dimensions, y compris écologiques, soit davantage prise en compte par les politiques publiques urbaines, à l’échelle des agglomérations et des métropoles. En France, depuis 1964, c’est en effet le territoire du bassin-versant qui sert de cadre à la gestion territoriale de l’eau. Mais depuis 2018, les villes et les intercommunalités sont dotées de la compétence de gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations (Gemapi) : elles doivent s’en saisir !