Conférences, débats, littérature, spectacles… Les 3, 4 et 5 octobre 2025, le festival international de géographie de Saint-Dié-des-Vosges aura pour fil rouge le pouvoir. Avec l’Indonésie comme pays invité d’honneur.
Les quartiers populaires des métropoles latino-américaines ont souvent servi de décor à des récits mettant en scène des personnages de narcotrafiquants qui ont fasciné le grand public. Mais derrière le spectaculaire de la fiction, l’emprise des organisations criminelles s’étend au-delà des trafics illégaux. Elle concerne aussi des dimensions ordinaires mais essentielles de la vie quotidienne des populations, telles que l’accès à la terre ou au logement.
Socialement marginalisés, les quartiers populaires des villes latino-américaines – désignés comme bidonvilles, favelas, ou barrios selon les contextes – sont en partie le produit d’occupations irrégulières qui témoignent de l’incapacité de l’Etat à répondre à la demande de logement. Dans ces espaces, un Etat affaibli coexiste avec des acteurs criminels qui instaurent leurs propres systèmes de normes et imposent un certain ordre social. Ils prélèvent un impôt, établissent des codes de conduite et en sanctionnent les écarts, règlent les conflits de voisinage, ou encore réglementent l’usage de l’espace urbain. Au fil des dernières décennies, ces acteurs ont étendu leur emprise, la terre urbaine s’imposant comme un nouvel objet de convoitise.
A Medellín, deuxième ville de Colombie, l’accès au logement des classes populaires dépend aujourd’hui en grande partie de la médiation des acteurs criminels. Depuis une dizaine d’années, ces derniers ont pris le contrôle du marché foncier et immobilier informel. Autrefois, il était possible de se loger en occupant une parcelle gratuitement ou en négociant un terrain entre particuliers. Aujourd’hui, les groupes illégaux s’approprient les espaces non construits pour les revendre et interdisent toute transaction hors de leur contrôle. Il en va de même à São Paulo, la capitale économique du Brésil, où un habitant nous fait comprendre à demi-mot le pouvoir territorial des groupes criminels : «Le problème à São Paulo, c’est que les gens qui envahissent les terrains ne sont pas ceux qui en ont besoin».
Peu le nomment explicitement, mais chacun sait qu’il s’agit du PCC (Primeiro Comando da Capital). Ce groupe criminel, présent partout au Brésil mais né dans une prison de l’Etat de São Paulo dans les années 1990, chapeaute le trafic de drogues et régule les activités criminelles. Dans les quartiers populaires, il vend et loue de nombreux terrains en périphérie, terrains qui sont également recherchés par les résidents et les ONG locales pour en faire des jardins partagés.
Même les espaces publics
Du fait de cette multiplicité d’acteurs, les négociations pour l’accès à la terre sont vives et parfois violentes. A Medellín, les jardins des habitants sont confisqués par les groupes criminels en quête de nouveaux terrains pour alimenter leur marché. Même les espaces publics – parcs, terrains de jeu – tombent sous leur emprise. Face aux accaparements et à la marchandisation effrénée des groupes criminels, les associations de quartiers sont impuissantes : «Entre ma vie et le terrain de foot, le choix est vite fait !» nous confie un leader communautaire.
La conquête du marché foncier par les organisations criminelles s’inscrit dans un mouvement plus large, observé à l’échelle du continent, de diversification de leurs activités vers des secteurs licites de l’économie. Localement, on observe par exemple l’établissement de monopoles criminels sur la commercialisation de produits de première nécessité au sein de leurs territoires – œufs, pain, oignons, eau…- ou la taxation des services publics d’eau et d’électricité. Cette intensification de l’exploitation du territoire et de la vie quotidienne par les acteurs illégaux renforce l’exposition des habitants à la violence et invite à réfléchir aux vulnérabilités créées par l’expansion des économies criminelles.