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Les conférences de la Cité des sciences

Et la lumière fut, au fond des abysses…

Les conférences de la Cité des sciences et de l’industriedossier
Océanographe à l’Institut Méditerranéen d’océanologie de Marseille, Séverine Martini étudie la bioluminescence. Elle propose une conférence pour les enfants sur ce superpouvoir encore méconnu.
Dans la mer Rouge. (Jeffrey Rotman/Biosphoto via AFP)
par Virginie de Rocquigny
publié le 11 janvier 2023 à 9h22

Libération, partenaire du cycle de conférences «Qu’est-ce que la vie ?» organisé de septembre à janvier par la Cité des sciences et de l’industrie, proposera régulièrement articles, interviews et tribunes sur les sujets abordés. A suivre la conférence de Séverine Martini «Dans l’océan, des animaux lumineux», jeudi 19 janvier à 14 heures.

On connaît en surface les traînées bioluminescentes du plancton mais beaucoup d’organismes marins sont-ils capables d’émettre de la lumière ?

Oui, on estime que les trois-quarts d’entre eux sont dotés du «superpouvoir» qu’est la bioluminescence. Cela passe par différents procédés. Ils peuvent produire leur propre lumière, par exemple rejeter du mucus bioluminescent, une sorte de nuage lumineux, s’associer à une bactérie. Il faut bien s’imaginer que les océans sont un monde obscur dans lequel la lumière est un moyen de communication efficace.

Justement, à quoi sert la bioluminescence ?

Cela varie selon les espèces et nous sommes encore loin d’avoir encore toutes les clés. Le poisson lanterne s’en sert pour attirer ses proies, certains calmars dont le ventre produit de la lumière l’utilisent au contraire pour masquer leur ombre afin de ne pas se faire repérer. D’autres espèces aveuglent leurs prédateurs en l’éblouissant. Certaines bactéries émettent de la lumière et on ne sait pas bien pourquoi, alors que cela leur demande de l’énergie. L’une des hypothèses consiste à penser qu’elles cherchent à se faire détecter visuellement afin d’être mangée. Pour une bactérie, c’est une chance : les intestins d’un poisson sont un milieu chaud, où elles trouvent de quoi se nourrir et prolifèrent plus facilement que dans l’océan.

Vos recherches portent sur l’impact de la bioluminescence dans la pompe biologique de carbone. Quels sont les liens entre ces deux phénomènes ?

Les bactéries peuvent être attachées à des agrégats de matières organiques, de particules ou de déchets : elles vont se nourrir sur ces amas de carbone organique, qui coulent le long de la colonne d’eau jusqu’à être séquestrés au fond de l’océan. C’est ce qu’on appelle la pompe biologique de carbone. Or pendant cette longue descente vers le fond, ce carbone organique va se modifier : une partie va être mangée par exemple, et se retrouver dans les matières fécales. Il y a à la fois déperdition et réutilisation. Nous nous posons la question du rôle de la bioluminescence des bactéries dans ces phénomènes.

Comment en êtes-vous venue à étudier la bioluminescence ?

Mon laboratoire marseillais a commencé à s’intéresser à la bioluminescence car des astrophysiciens d’un observatoire méditerranéen cherchaient à détecter les particules cosmiques qui traversent l’océan. Ils ne parvenaient pas à les distinguer parmi les milliers de photons émis par la bioluminescence ! Ils sont donc venus à notre rencontre pour tenter de comprendre. J’ai consacré ma thèse à ce sujet, soutenue en 2013. Il y a peu de recherches sur cette thématique dans le monde car nous ne disposons pas de beaucoup de capteurs capables de percevoir la bioluminescence. C’est pourquoi beaucoup de mystères demeurent…