Energie, transports, rénovation durable, végétalisation… En 2023, «Libé» explore la thématique de la transition écologique lors d’une série de rendez-vous inédits. Objectif : témoigner des enjeux et trouver des solutions au plus près des territoires. Cinquième étape à Nantes les 18 et 19 novembre.
Comment donner les moyens à la nature de se défendre ? Pendant trois ans, sous la direction de l’écrivain Camille de Toledo, cette question occupera un conseil de douze témoins issus de la société civile ainsi qu’une vingtaine de chercheurs chargés de construire le nouveau récit Vers une internationale des rivières. Le public nantais pourra assister à un premier temps fort, le 18 novembre au Lieu Unique, en parallèle de la cinquième étape du Climat Libé tour.
En 2021 déjà, Camille de Toledo imaginait une nature dotée de droits dans le Fleuve qui voulait écrire (édition Les liens qui libèrent), un récit construit par des chercheurs dans le cadre de la commission pour un Parlement de Loire. Dans ces pages, un fleuve s’y exprime pour défendre ses intérêts légalement devant un tribunal, face à la prédation humaine. Travail des sols, travail animal, travail de la photosynthèse pour produire l’air que nous respirons…
Mise en scène théâtrale
En prenant cette fois la figure de la rivière comme fil rouge, l’essayiste se place en chef d’orchestre d’un nouveau récit et met en exergue le travail essentiel et invisible entrepris par la nature. «Les catastrophes terrestres naissent d’un trop-plein de droits pour les entreprises et pour les Etats, l’ensemble de la modernité repose sur la séparation des objets, dont fait partie la nature, et des sujets, les humains», distingue Camille de Toledo. L’idée d’une réorganisation du droit où les éléments naturels deviendraient des entités juridiques sera donc au cœur des échanges. En dessinant les contours d’une lutte commune entre travailleurs humains et travailleurs non-humains, les acteurs de ce nouveau récit aideront à conscientiser le travail réalisé par la nature pour mieux prendre en considération son épuisement. «La rivière depuis les premiers bassins néolithiques est une force hydraulique, constate l’essayiste chargé du projet. Lorsqu’on lui donne des droits, on prend en considération la violence de ses conditions de travail et donc la nécessité de la protéger.»
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Lors de ce premier rendez-vous, le 18 novembre de 11 heures à 12 h 30, Jérôme Gaillardet, professeur de sciences de la Terre à l’institut de Physique du Globe de Paris et Gaëlle Charron, maîtresse de conférences à l’Université Paris Cité, exposeront lors d’une mise en scène théâtrale, la manière dont les entités naturelles ont travaillé durant des millénaires pour garantir l’habitabilité de la terre. Viendra ensuite François Jarrige, maître de conférences en histoire contemporaine à l’Université de Bourgogne, pour répondre aux questions de Camille de Toledo et conter l’embrigadement dont sont victimes les forces animales et végétales au service des intérêts humains. «Le but sera de revenir sur des temporalités plus courtes, en rappelant l’industrialisation du monde et l’accroissement des flux de matières, ce qui a mené à la mise au travail intensive des ressources naturelles. C’est de là que naissent nos impasses», abonde l’historien. Parmi ces «impasses», François Jarrige identifie la souffrance animale. «Donner des droits aux animaux impliquerait par exemple de revoir les techniques d’élevage industriel», rêve celui qui espère voir les citoyens s’emparer du sujet.
Protection juridique des écosystèmes
L’après-midi, Giacomo Parrinello, professeur à Sciences Po Paris, spécialiste de l’histoire de l’eau, de l’énergie, et de l’anthropocène, reviendra sur la transformation des bassins, des premières civilisations jusqu’aux mégabassines.
Plus qu’un débat théorique, ce projet a non seulement pour ambition de donner naissance à des projets pédagogiques et artistiques sur le territoire, mais aussi de donner corps à une protection juridique des écosystèmes. Le but : emboîter le pas de l’Espagne qui, après les expériences latino-américaines et néo-zélandaises, adoptait en septembre 2022 une loi reconnaissant la lagune de la mer Mineure et son bassin comme une personnalité juridique ayant des droits. «L’idée est de faire changer les représentations. Si on grandit avec l’idée que la montagne est une déesse, on la reconnaîtra comme tel», conclut Camille de Toledo, qui ambitionne toujours de redonner ses lettres de noblesse à la rivière, et autres êtres naturels.