Libération, partenaire du nouveau cycle de conférences «Les humains dans l’espace» organisé par la Cité des sciences et de l’industrie, proposera régulièrement articles, interviews ou tribunes sur les sujets abordés. A suivre, la conférence Mars : retours de missions, le samedi 11 novembre de 16 heures à 18 heures.
Nouveaux pays à la conquête de Mars, déceptions passées et enjeux actuels, l’astrophysicien Francis Rocard, fait le point sur la planète rouge. Il est responsable des programmes d’exploration du système solaire au sein du Centre national d’études spatiales, le CNES.
Quel a été selon vous le moment important de l’exploration martienne ?
A mes yeux, une étape clef a été la mission Viking en 1976. Les Américains ont tenté un coup de poker. Ils cherchaient à détecter s’il y avait de la vie sur Mars et deux atterrisseurs se sont posés pour prélever et analyser du matériau du sol de Mars. Trois mécanismes propres au vivant ont été testés : la respiration, l’absorption de matière nutritive, et le mécanisme de photosynthèse. Les trois expériences n’ont cependant rien donné. Le bilan des sondes Vikings est que le sol de Mars est très oxydant et peu favorable à la prolifération de bactéries. On n’y trouve pas d’eau liquide, et l’absence de couche d’ozone irradie le sol. Donc pas de vie aujourd’hui en surface sur Mars. Ça a été une grosse déception scientifique.
Même si techniquement, la mission a été une grande réussite…
Oui, ça a été un succès mais ces résultats ont beaucoup déçu, les chercheurs et le grand public. Ils ont provoqué un abandon de Mars qui a duré près de deux décennies. Jusqu’en 1997 qui marque le retour des Américains avec Mars Pathfinder. Ce tout petit rover a eu un grand écho médiatique parce qu’il s’est posé au sol. Même si scientifiquement, il n’y avait rien de bien nouveau. Une nouvelle stratégie s’est ensuite dessinée. Si la vie n’a pas été découverte en surface, il faut la rechercher en amont, dans le passé, voir s’il en reste des traces encore aujourd’hui. C’est l’objectif de la mission en cours, mars 2020, de la Nasa et du robot Perservance. Il doit effectuer des prélèvements pour déterminer s’il y a des traces de matière organique, des molécules qui auraient été fabriquées par du vivant. Les échantillons prélevés, une trentaine, sont placés dans des tubes scellés qui seront déposés ultérieurement dans un conteneur mis en orbite grâce à une fusée. Puis le conteneur sera capturé en orbite pour être rapporté sur Terre dans les années 2030. Même si l’opération s’est un peu compliquée, du fait de surcoût important.
L’actualité, c’est aussi la présence de nouveaux pays dans l’exploration martienne ?
En effet, on voit des pays émergents qui explorent Mars, comme la Chine ou les Emirats qui ont placé en stationnaire un orbiteur afin d’étudier le climat de Mars. Ils ont les moyens et ils ont tout acheté : le satellite, les instruments, alors que d’habitude les pays fabriquent leurs propres instruments. Ils ambitionnent d’apprendre petit à petit. C’est une démarche très politique. Mais il faut garder en tête que pour ces pays émergents qui se lancent dans l’espace lointain, Mars n’est pas le plus facile. Son exploration coûte très cher et le savoir-faire est complexe. Face à cela, la Lune est un banc de test idéal, accessible en trois jours, pour s’essayer par exemple à une insertion en orbite. La Corée du Sud, l’Inde, la Chine à nouveau y développent un programme. Mars arrivera peut-être dans un second temps.