A l’heure de la transition écologique, en partenariat avec la Plateforme d’observation des projets et stratégies urbaines (Popsu), plongée dans les projets et initiatives qui font bouger les politiques urbaines.
Toutes les villes ont à subir les conséquences du changement climatique, mais toutes ne sont pas exposées aux mêmes risques. Réussir le pari de la transition dans la métropole rouennaise est une gageure : les activités portuaro-industrielles, au cœur du corridor stratégique Paris – Rouen – Le Havre, sont étroitement imbriquées à l’armature urbaine et patrimoniale ; les forêts occupent le tiers de l’espace et Rouen a été élue Capitale française 2 023 de la biodiversité ; de magnifiques boucles de Seine traversent nos villes et villages, nous enjoignant d’apprendre à vivre avec le fleuve et ses débordements dorénavant plus fréquents, là où le vingtième siècle nous en détournait ; et pour couronner le tout, notre agglomération, fière de sa culture ouvrière et populaire, est en pleine ZFE (Zone à Faibles Emissions)…
Ces caractéristiques paradoxales guident la trajectoire. Pionnière, la Métropole Rouen Normandie a créé dès 2018 un Giec local pour établir un diagnostic de nos vulnérabilités. Ce travail a transformé notre vision du développement. Il nous a conduit à engager de façon extrêmement volontaire la révision de nos documents d’adaptation et de planification. Il nous a forcés, et c’est tant mieux, à expliquer et à associer de façon bien plus étroite nos concitoyens aux prises de décisions.
L’histoire récente a favorisé cette prise de conscience : avec l’incendie de l’usine Lubrizol en 2019, Rouen a vécu un choc profond, bouleversant nos certitudes. De ce traumatisme est né un bien : soudain nous avons été sommés d’évoluer.
Mais comment insuffler une dynamique positive si on ne parle que d’interdits, de contraintes nouvelles, de risques anxiogènes ? Nous avons choisi une méthode simple, faite de trois principes : porter une vision lucide ; fédérer tous les acteurs ; savoir résister au court terme. La lucidité, c’est le choix de dire publiquement les enjeux auxquels nous faisons face. Faire l’autruche n’est pas une option. La vision, c’est celle du judoka, c’est-à-dire la conviction que la contrainte sociale écologique est une opportunité, pour créer des nouveaux gisements durables de valeur et d’emploi ; pour améliorer la qualité de vie et l’attractivité d’une vallée historiquement très carbonée et longtemps mal connue ; pour développer l’éducation, la culture. Fédérer, c’est comprendre que nous avons besoin de toutes les forces vives : publiques, privées, associatives, citoyennes. Résister, c’est refuser la facilité des décisions de courte vue : couper des arbres pour faire de l’étalement urbain, dépenser un milliard d’euros dans 41 kilomètres de bitume autoroutier à péage…
Le projet d’écoquartier Rouen Flaubert, à proximité de la zone industrialo-portuaire, illustre cette approche. Une césure arborée, une forêt urbaine qui fait tampon entre les futurs bâtiments et l’industrie existante, a été introduite. Le bassin prévu pour gérer les eaux pluviales est devenu un parc canal, jouant un rôle clé pour les futures inondations de la Seine et apportant un cadre agréable aux habitants. Ce résultat est le fruit de deux ans de concertation. Là est la clé : réinterroger notre modèle de société en s’appuyant sur l’intelligence collective. Face au changement, entrer en résilience plutôt qu’en résistance.