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Tribune

Face aux inondations, retrouvons l’espoir

La Biennale d’architecture de Venisedossier
Par Eric Daniel-Lacombe, architecte.
A Redon (Ille-et-Vilaine), le 30 janvier 2025. (Théophile Trossat/Libération)
par Eric Daniel-Lacombe, architecte
publié le 9 mai 2025 à 15h55

Quelles solutions propose l’architecture pour s’adapter à l’imprévisibilité du monde, repenser l’existant et imaginer de nouvelles façons d’habiter l’espace ? Un dossier réalisé en partenariat avec l’Institut français à l’occasion de la Biennale d’architecture de Venise 2025 (du 10 mai au 23 novembre).

De prévisibles nos climats sont devenus chaotiques. Rien n’indique que les actions collectives des sociétés humaines parviendront à nous faire revenir aux climats du milieu du XXe siècle. Il nous faut donc apprendre à vivre dans ce nouveau monde. Je sais le désarroi et les pertes matérielles que suscite une inondation provoquée par des pluies d’une intensité jamais vue auparavant et à laquelle on n’était pas préparé. Pourtant on aurait tort de céder au désespoir. Il faut en effet comprendre que l’on sait aménager les maisons afin de pouvoir y vivre pendant que le rez-de-chaussée est inondé, et surtout pour les rendre à nouveau habitables rapidement après la décrue. Alors, la continuité de la vie en famille est assurée pour longtemps. Il y a des régions, en France même, où des habitations sont inondées depuis des décennies, de cinquante centimètres jusqu’à deux mètres d’eau pendant deux ou trois semaines, à des intervalles de plusieurs années, sans que cela ait découragé les habitants d’y rester et leurs enfants de s’y installer à leur tour. Les communes y observent la montée des eaux et alertent les habitants, ce qui leur permet de prendre à temps des précautions élémentaires. La prédiction à court terme de pluies éventuelles par la météo devient une information vitale, même si le délai d’alerte est court. De plus ces familles ont appris à faire transformer leurs maisons par des architectes et des artisans et elles se sont organisées longtemps à l’avance entre voisins afin de surmonter les moments difficiles.

Il y fait bon vivre

Aménager les maisons, cela signifie modifier les circuits électriques, déplacer les appareils électriques du rez-de-chaussée au premier étage, prévenir les refoulements des égouts par les canalisations d’évacuation des eaux usées, et, Ô surprise, mettre en place une épaisse couche de sable pour filtrer l’eau polluée qui s’infiltre par le sol et remplacer le plâtre par des revêtements muraux qui se nettoient et sèchent vite. Cela exige aussi des pouvoirs publics qu’ils encouragent la surélévation des habitations au lieu de l’interdire ; et des assurances qu’elles incitent à des aménagements résilients au lieu de la reproduction à l’identique. Cela suppose aussi que des habitants et leurs élus apprennent à préparer la solidarité des transports, de la santé et de l’approvisionnement pendant les périodes d’inondation. Tout cela exige des initiatives individuelles et collectives qu’aucun règlement ni aucun interdit ne sauraient susciter.

Certes il y a des limites à l’adaptation de l’habitat. Retenons que pour l’instant, dans les zones d’inondation fréquente, les très grandes inondations se produisent tous les vingt à quarante ans. Entre-temps il y fait bon vivre. Certes, au-dessus de 2 mètres d’eau, il faut absolument déménager. Pour tous les autres logements il nous faut disposer de politiques de soutien au réaménagement tant des pouvoirs publics que des compagnies d’assurances.

Il y a deux très bonnes nouvelles. Tout d’abord il y a de nombreux architectes et des artisans encore plus nombreux qui sont capables de préparer et d’accomplir ces aménagements et j’ai vu des habitants qui avaient réaménagé entièrement leurs maisons par eux-mêmes. D’autre part, et je n’y insisterai jamais assez, le plaisir de vivre dans une maison à laquelle on est attaché est considérablement accru lorsque l’on se sent partie prenante d’une population qui fait preuve de solidarité pendant l’inondation aussi bien qu’avant et après.

Voilà ce qui me donne espoir pour tous nos compatriotes exposés à ces intempéries.