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Libération
Solutions solidaires : tribune

Faire de la transition des mobilités une opportunité pour tous

Véronique Devise, présidente du Secours catholique Caritas France, souligne la nécessité d’avoir de nouvelles solutions de déplacements décarbonées abordables partout, afin de ne pas pénaliser les personnes précaires.
Une aire de covoiturage à Méteren, dans le Nord. (Philippe Huguen/AFP)
par Véronique Devise, présidente Secours Catholique Caritas France
publié le 8 février 2024 à 12h02
(mis à jour le 8 février 2024 à 12h33)
Avec tous les territoires engagés pour des solutions solidaires, le département de la Gironde, la ville de Bordeaux, la Fondation Jean-Jaurès, Libération et plus de 60 organisations composant le Pacte du Pouvoir de Vivre proposent de débattre de six grandes solutions. Qu’elles soient éprouvées ou encore à expérimenter, ces solutions sont autant d’outils mis à la portée de toutes et tous pour tenter de fabriquer ensemble une écologie solidaire. Pour en discuter, rendez-vous le 9 février prochain dans les locaux du département de la Gironde.

«Bombe sociale», «zone à forte exclusion» : les zones à faibles émissions-mobilité (ZFE-M) cristallisent le débat autour du risque d’exclusion des grandes villes des personnes précaires. C’est une réalité : bien que moins motorisées que le reste de la population, elles seront les premières concernées par les mesures de restriction de circulation puisque 66 % du premier quartile ayant une voiture possède un véhicule polluant classé Crit’Air 3 et au-delà. Mais attention, les problématiques de mobilité pour les plus modestes d’entre nous ne sont pas nouvelles !

En effet, 13,3 millions de Français sont en situation de «précarité mobilité», c’est-à-dire qu’ils ont des difficultés à se déplacer, qu’ils renoncent à des déplacements en raison du prix des carburants, de longues distances à parcourir et /ou d’absence de solutions de mobilité.

Notre système de mobilité actuel centré autour de la voiture, en particulier dans les territoires périphériques ou ruraux, crée des fractures sociales pour celles et ceux qui n’ont pas les moyens d’en supporter les coûts.

Ce modèle est aussi très largement responsable du dérèglement climatique : le transport est le premier secteur d’émissions de gaz à effet de serre dont la moitié est liée à l’usage de la voiture individuelle. C’est aussi un enjeu de santé publique : en France, 48 000 personnes meurent tous les ans à cause de la pollution de l’air.

Ces dégradations environnementales ont un impact plus lourd sur les publics vulnérables d’une part parce qu’ils sont souvent plus exposés et d’autre part parce qu’ils n’ont pas toujours le choix de leur lieu de vie et de leur mode de transport.

Pourtant, la mobilité est essentielle pour l’accès aux droits, à l’emploi, à la santé et aux actes de la vie quotidienne. L’absence de mobilité a des impacts sur la précarité, l’isolement, le sentiment de relégation.

Penser les territoires sans tenir compte des personnes les plus en précarité n’est plus une option dans un monde où les inégalités ne cessent de s’accroître.

Dans les ZFE comme dans les territoires ruraux, nous avons besoin de politiques publiques systémiques qui visent à décarboner la mobilité tout en veillant à ce que les besoins des personnes les plus précaires soient pris en compte sur l’ensemble du territoire et que la transition écologique améliore l’accès à leurs droits. L’accès à la mobilité pour tous implique de disposer de solutions dans l’ensemble de son parcours mobilité, de disposer des moyens financiers suffisants pour y accéder et d’être en capacité de maîtriser les offres de mobilité.

Dans les territoires, nos bénévoles agissent concrètement (transport solidaire, autopartage…) mais cela ne suffit pas : il faut densifier le maillage des transports en commun structurants tout en veillant à répondre aux problématiques du dernier kilomètre par des solutions plus agiles et légères. Comme le font nos voisins européens, il faut en faciliter les usages par un meilleur accès et une tarification plus adaptée. Les modes actifs et la mobilité partagée restent encore trop souvent anecdotiques par manque d’aménagements adaptés et d’accompagnement humain et financier.

Nous avons besoin de véhicules électriques plus légers car plus sobres et plus économiques. Le leasing social et les aides à l’achat sont des premières réponses mais ces dispositifs doivent être renforcés et rendus accessibles grâce au guichet unique et l’avance des aides pour ne laisser personne au bord du chemin.