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Libération
Décryptage

FoRTE, un dispositif de choix en Ile-de-France

Conjuguant aide financière et accompagnement professionnel, le fonds de soutien francilien aux artistes de moins de 30 ans sélectionne à chacune de ses sessions une quarantaine de créateurs à épauler.
Les lauréats de la promotion de 2021 du Fonds régional pour les talents émergents. (Hugues-Marie DUCLOS/Hugues-Marie DUCLOS)
publié le 25 novembre 2024 à 21h15

Se rapprocher des jeunes créateurs pour, qu’en retour, ils se rapprochent de la région : voilà qui pourrait résumer l’ADN de FoRTE (Fonds régional pour les talents émergents). Le dispositif, qui propose d’aider, à hauteur d’un million d’euros annuel, une quarantaine de lauréats issus des arts visuels, du cinéma et de l’audiovisuel, de la musique et des arts de la scène, se veut aussi souple que possible dans ses critères d’éligibilité. Certains sont immuables : les candidats doivent être âgés de 18 à 30 ans, créer et résider en Ile-de-France, et être accompagnés par une structure professionnelle. D’autres le sont moins. En théorie, il faut ainsi être diplômé ou avoir «suivi une formation qualifiante» dans l’une des disciplines, «mais, en pratique, on peut être éligible en sortant d’une simple formation Afdas [Assurance formation des activités du spectacle], car ce qui compte, c’est le projet présenté», précise Benoit Solès, conseiller régional francilien et membre de la présidence du jury. Ce projet n’a d’ailleurs pas forcément vocation à être le premier : le dispositif cible les artistes «émergents», mais nombreux sont les lauréats qui ont déjà une ou deux réalisations à leur actif.

Deux types de soutien

Sur une durée de dix mois, FoRTE s’attache à apporter deux types de soutien. Le premier sous forme d’une aide financière, qui peut être perçue via une bourse individuelle ou à travers une subvention touchée par la structure d’accompagnement. La bourse est plafonnée à 25 000 euros (soit l’équivalent de 2 500 euros mensuels) et généralement touchée en deux fois : au lancement du projet, puis à la fin de la création. La subvention, quant à elle, peut atteindre 50 000 euros : «Un budget qui comprend la rémunération de l’artiste», précise François Demas, conseiller culture de la région. Le choix du type d’aide se fait au cas par cas, pour coller au plus près des besoins de chaque dossier.

Le second soutien est un accompagnement à travers des conseils, de la mise à disposition de matériel et de lieux et de la mise en relation des artistes. Lui-même comédien, Benoit Solès connaît bien les difficultés du milieu : «Le manque de salles de répétition, l’absence d’aide à la diffusion, la difficulté de décrocher un premier coup de pouce… C’est pour pallier ces carences que le dispositif FoRTE a été créé». Durant tout le temps de leur création (et même après), les lauréats peuvent ainsi se tourner vers différents responsables, comme Alpar Ok, chef de projet Jeune création de la région. Et ce, aussi bien pour obtenir des détails pratiques et techniques (sur les conventions, par exemple) que pour poser des questions relatives à leur projet.

La région Ile-de-France affiche la volonté d’avoir «sanctuarisé et fortement augmenté son budget culture, estimé à 103 millions d’euros en 2024», décrit François Demas, conseiller culture à la région. Concentrant 50 % des artistes français, l’Ile-de-France est particulièrement riche en offre culturelle, mais celle-ci reste inégalement répartie sur le territoire francilien. La région espère donc que FoRTE gagnera en visibilité, pour «inclure de plus en plus d’artistes issus de catégories sociales sans accès immédiat à la culture», explique-t-il. Pour l’instant, le nombre de candidats est assez stable : autour de 300 chaque année depuis la mise en place du dispositif en 2018.

Et deux phases de sélection

La sélection des lauréats se déroule en deux phases : un écrémage par les services de la région, qui s’assurent que les dossiers correspondent aux critères d’éligibilité, puis l’examen des dossiers par les quatre jurys – un par discipline. Chacun d’eux est composé d’un conseiller de la région membre de la présidence du jury et de quatre autres profils spécialisés, renouvelés à chaque édition. En 2023, on retrouvait ainsi l’actrice Elsa Zylberstein dans le jury cinéma, tandis que le comédien Nicolas Bouchaud siégeait aux côtés de la danseuse étoile Alice Renavand en arts de la scène. Le peintre Philippe Cognée, qui se prononçait sur les arts visuels, a beaucoup apprécié l’expérience, même s’il regrette que la sélection ne soit que sur dossier. «Quand on est face aux candidats, on ressent quelque chose en plus, qui échappe au travail écrit, justifie-t-il. Mais j’ai trouvé les dossiers exigeants et variés, même s’ils étaient nombreux à proposer quelque chose d’assez ouvertement politique, une tendance en vogue.»

Parfois, la région fait aussi appel à d’anciens lauréats : l’an dernier, Valentin Tournet et Gabrielle Hartmann ont tous deux été sollicités pour faire partie du jury musique. «La plupart des candidats avaient pour projet de sortir un disque, mais les styles étaient très éclectiques, et cette diversité devait se retrouver dans nos choix», relate Valentin Tournet. Sa consœur abonde : «C’est l’originalité qui séduit, surtout. Des projets atypiques ont parfois raflé la mise au détriment d’autres plus aboutis.» Car il y a des cases et des cadres, mais aussi des coups de cœur.