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Interview

François Ruffin au Climat Libé Tour : «Il faut faire du travail la valeur centrale du combat écologique»

Climat Libé Tourdossier
Pour le député insoumis de la Somme, les questions du travail et de la justice fiscale sont au cœur du combat pour la transition écologique. Il a défendu sa méthode pour «faire écologie ensemble» lors du Climat Libé Tour, ce samedi 30 mars à Paris.
François Ruffin au Climat Libé tour à Paris, ce samedi, à l'Académie du climat. (Cyril Zannettacci/Vu pour Libération)
publié le 30 mars 2024 à 13h48

La transition écologique est le combat du siècle. D’un côté, une lutte mondiale au sommet, entre pays riches et pays pauvres ; d’un autre, une bataille dans laquelle il faut embarquer toutes les catégories de personnes, malgré leurs intérêts divergents, des patrons des grandes entreprises aux ménages les plus précaires. Y compris en France. Pour le député LFI-Nupes François Ruffin, présent au Climat Libé Tour de Paris ce samedi 30 mars, la priorité est de relier travail et écologie, tout en refondant les questions de justice fiscale.

Comment faire de l’écologie un combat fédérateur entre les classes populaires et les classes aisées ?

Le plus grand défi que l’on doit affronter, c’est celui du changement climatique. Ce combat réclame que l’on change tous les pans de la société : les industries, le travail, les déplacements, les logements… Et tous ces changements réclament de passer du vivre-ensemble au faire ensemble. Le vivre-ensemble, c’est statique, les uns à côté des autres. A partir du moment où les gens feront ensemble, la question écologique pourra embarquer classes populaires et classes supérieures.

C’est l’articulation entre fin du monde et fin du mois, dont vous parlez souvent…

La grande inquiétude des classes populaires depuis quarante ans, la grande peur installée dans leur cœur, c’est l’angoisse de perdre leur travail. Donc, la question numéro 1, c’est de lier écologie et travail. De répéter, de marteler, aux classes populaires que l’écologie, c’est du travail. Il faut faire du travail la valeur centrale du combat écologique. Si on répète : «vous aurez, vous et vos enfants dans ce nouveau monde, un travail stable, valorisé et correctement payé», j’ai la conviction qu’on entraîne directement les familles populaires. Elles ont tout à y gagner. Thatcher disait que «l’économie est la méthode, l’objectif est de changer le cœur et l’âme». Nous devons dire aujourd’hui, en inversant : «L’écologie est la méthode, l’objectif est de changer le cœur et l’âme.» Vers une société des liens plutôt que des biens.

Au-delà de la question du travail, comment faire écologie ensemble ? Et qui doit financer cette transition écologique ?

L’autre condition, c’est la question de la justice fiscale. Pour les uns, il faut des planchers qui se relèvent. Il faut garantir des droits nouveaux pour les classes populaires : par exemple, le droit aux vacances pour les enfants, avec des tarifs très réduits sur les trains. Et pour d’autres, des plafonds qui s’abaissent. Cela a toujours été fait par temps d’économie de guerre, de mobilisation générale. Les Français les plus riches payent aujourd’hui deux fois moins d’impôts, en proportion, que les Français moyens. On vit dans un temps de gavage gigantesque. Avec les classes supérieures qui polluent le plus : il faut leur demander, leur imposer un effort à eux, en priorité, de baisser les émissions de gaz à effet de serre. Et cette écologie ne va pas sans conflit, l’écologie est porteuse d’un conflit de classe. La taxe carbone l’a montrée, des taxes proportionnelles sont injustes, elles pèsent beaucoup plus sur l’économie et le portefeuille des petits ménages.

Comment compteriez-vous vous y prendre ?

L’écologie est présentée comme un amas de contraintes supplémentaires. Si on réitère sans cesse que l’écologie va mener à des pertes d’emplois, c’est évident, le combat est perdu d’avance. On ne pourra pas embarquer les classes populaires dans ce combat. Je le répète : pour lier l’écologie et les classes populaires, il faut placer au cœur la valeur du travail, pour les décennies à venir. Pourquoi n’y a-t-il pas des publicités à la télé pour devenir couvreur «Venez sauver la planète !», avec l’assurance d’un salaire à 2 000 euros, une retraite à 55 ans car ce sont des métiers pénibles ? Si on ne prend pas à bras-le-corps cette question du climat dès maintenant, elle va revenir dans le visage de tout le monde, et elle détruira tout. Et à la fin elle détruira aussi les profits. Le système doit être contraint à passer d’une logique de court terme à une logique d’investissement. Et évidemment, pour ça, les grandes entreprises ne doivent plus être guidées par des convictions de petits comptables minables avec une vue à courte durée. En instaurant un tiers de salariés et un tiers de membres d’ONG, d’élus locaux dans les conseils d’administration.