Rencontres, documentaires, portraits… L’actualité du festival annuel du voyage et de l’aventure, le Grand Bivouac d’Albertville (du 14 au 20 octobre) dont Libération est partenaire.
Sans mentir : ce 9 août 2024 en début d’après-midi, dans la fournaise du Parc des Champions au Trocadéro, alors que sur les écrans géants, les volleyeurs tricolores se rapprochaient de la médaille d’or, ma voisine, coréenne – j’ai vérifié - s’est levé d’un bond, comme moi et 13 000 spectateurs, pour la Marseillaise. Une Coréenne. La Marseillaise. Des frissons sur les bras, j’en atteste. Pourquoi faut-il attendre des moments aussi rares pour comprendre que toutes nos vies se ressemblent et nous rassemblent ? Pour retrouver, d’un commun élan, comme James Dean en 1955, un peu de cette «fureur de vivre» qui semble tant nous manquer chez nous, face – bien souvent – aux tracas du quotidien.
Autre émotion, vingt jours plus tard : la joie solaire, irradiante, de Zakia Khudadadi, médaille de bronze en para-taekwondo – la première de l’équipe olympique dite «des réfugiés» – dédiant aussitôt sa performance à ses sœurs afghanes, aujourd’hui privées de toute expression, même de chanter, même de parler dans la rue.
Fureurs de vivre. Partout dans le monde, des centaines de milliers de femmes, d’hommes et d’enfants, piégés par la menace des bombes ou les périls environnementaux, soumis à toutes les convoitises ou toutes les répressions, condamnés à l’enfermement ou aux exodes silencieuses, tentent sans relâche de défendre leur liberté, leur intégrité même, face aux retours en force des intentions belliqueuses et agissements barbares. C’est à elles, à eux, qu’est dédiée la 23e édition du Grand Bivouac, à travers le cinéma documentaire, la littérature, les rencontres et débats.
Si nous étions dans l’obligation de réécrire l’Usage du monde – qu’on nous en préserve tant le talent de Nicolas Bouvier reste à jamais inégalable – , les fracas d’aujourd’hui couvriraient sans doute plus largement encore l’innocent murmure de nos itinérances. Mais n’en a-t-il pas toujours été ainsi ? Du parcours proposé par le Grand Bivouac, il est une certitude : à nous aussi de retrouver, si elle nous a momentanément quittés, une «fureur de vivre» qui ne soit ni délire, ni frénésie, ni emportements systématiques ou instrumentalisés, mais invitation à rejoindre, ici et maintenant, l’enthousiasme et l’énergie d’une Coréenne anonyme et d’une Afghane médaillée.