Le 13 octobre, les spectateurs de la projection inaugurale de la 24e édition du Grand Bivouac à Albertville (dont Libération est partenaire) assisteront au fabuleux voyage de milliers de flamants roses des Caraïbes. Bien au-delà du vol gracieux de ces échassiers et de leurs parades nuptiales, le film Flamingos, life after the meteorite expose la stratégie inventive des oiseaux face aux conséquences du réchauffement climatique. «Ils migrent vers de nouveaux marécages quand ceux qu’ils fréquentent, souffrant de la sécheresse, ne leur fournissent plus assez de nourriture. Avec ce film, nous avons voulu montrer la capacité de cette espèce à s’adapter à un monde qui change. Une intelligence animale collective dont l’homme pourrait s’inspirer», explique Jean-Sébastien Esnault, délégué général du Grand Bivouac.
La résilience, c’est le thème de l’édition 2 025 du festival du film documentaire et du livre d’Albertville. «Nous avons souhaité adopter un ton décalé en le titrant “C’est pas la fin du monde”. Le Grand Bivouac a une vision humaniste. Nous essayons de “charrier” un esprit positif et optimiste malgré le chaos du monde. Nous sommes aussi convaincus que quoi qu’il arrive sur le terrain géopolitique ou environnemental, c’est la capacité à penser de l’être humain qui peut le mettre sur la voie d’une solution, à travers l’engagement et l’action collective.»
Edgar Morin comme grand témoin
Au sein de la programmation riche de 160 rendez-vous dont une centaine de projections, certains portent particulièrement haut ce thème de la résistance. Ainsi M. Nobody against Putin, documentaire coréalisé par Pavel Talankin montre comment ce dernier, enseignant dans une école primaire de l’Oural russe, lutte à sa manière contre l’oppression. Chargé de filmer le quotidien de l’établissement, il capture aussi les images qui témoignent de la propagande du pouvoir auprès des enfants après l’invasion de l’Ukraine en 2022. Chants patriotiques, défilés martiaux à l’école, reconstruction de l’histoire dans les programmes… Il emporte ces images dans sa fuite et les partage avec le monde.
Rester debout et résister, c’est aussi le thème d’une des séances XXL, ces tables rondes réunissant des experts de tous horizons. «Nous accueillerons, probablement en distanciel, Edgar Morin, l’un des derniers intellectuels du XXe siècle, dont la formidable capacité à penser la complexité du monde viendra éclairer un débat avec des auteurs, des journalistes, des aventuriers», se réjouit Jean-Sébastien Esnault. Autre temps fort ? La rencontre littéraire avec Olivier Dubois, correspondant de Libération au Mali pris en otage pendant près de deux ans par le groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (Jnim, affilié à Al-Qaeda). Le journaliste témoigne de sa vie au Sahel dans son livre Prisonnier du désert paru chez Michel Lafon.
Parmi les invités venus témoigner de la marche du monde, Paul Watson, militant écologiste et fondateur de la Sea Sheperd Conservation Society est présent à Albertville pour la première fois. Le défenseur des cétacés dialoguera avec François Sarano, océanographe et plongeur professionnel, dans le cadre d’une conférence intitulée «Sauver Willy». «On croise ici deux regards, celui d’au-dessus et celui d’au-dessous pour faire réfléchir à nos usages du monde. C’est le trafic maritime, c’est-à-dire le commerce et donc tous nos actes de consommation qui tuent les grands mammifères marins», souligne le délégué général du Grand Bivouac. L’activiste sera par ailleurs présent lors d’un forum littéraire avec sa biographe Lamya Essemlali qui reviendra sur le sens de l’engagement. Parmi les vingt rencontres du salon du livre, on a aussi repéré, sur le même thème, une conversation avec François Suchel, le pilote de ligne qui interroge notre rôle de consommateurs dans son dernier ouvrage sur le fret aérien, Même les poissons volent aux éditions Paulsen.
Crocodile, Everest et Ukraine
Coté films, les projections nous emmènent aux quatre coins du monde, aux côtés d’une humoriste israélienne militante pour la paix, avec les acteurs du réensauvagement de la Patagonie ou dans les pas de chanteuses ukrainiennes qui ont élevé un front artistique après l’invasion de leur pays. Le coup de cœur de Jean-Sébastien Esnault ? Un documentaire sur une famille qui lutte pour sa survie dans un marais cubain. «Al Oeste, en Zapata est un film court, en noir et blanc, d’une limpidité totale. Pour subvenir aux besoins de sa femme et de son fils autiste, le père chasse des crocodiles à mains nues. L’extraordinaire plan séquence de 13 minutes sur le corps à corps avec l’animal fait aussi l’objet d’un décryptage après la projection» explique-t-il.
Les films sur la haute altitude et l’aventure sont aussi au programme, en particulier avec La nuit des montagnes, le 17 octobre. Dans Everest Dark, on suit un sherpa parti, pour des raisons spirituelles, récupérer les corps de ses confrères morts sur le toit du monde tandis que le court métrage d’animation Egoland offre une satire jubilatoire sur la quête des sommets et la pratique de l’alpinisme.