L’écofiction n’est pas un genre nouveau – Dune, de Frank Herbert, a été publié en 1965 – mais il rencontre aujourd’hui un regain d’intérêt. Face aux crises que nous traversons, sa liberté poétique et littéraire permet de penser autrement les défis écologiques. En imaginant d’autres mondes, d’autres écosystèmes et d’autres rapports à notre environnement, les écofictions, et plus largement la science-fiction, permettent de faire un pas de côté : elles produisent un décentrement spatial et temporel salutaire. Car si nous poursuivons le modèle extractiviste et consumériste actuel, le futur «désirable» vanté par ses partisans ne concernera qu’une infime partie de l’humanité, à savoir ceux qui auront les moyens de se protéger des dégradations produites sur l’environnement par ce productivisme effréné.
Dans Dune, cette prise de conscience est bien résumée par l’un des personnages, le planétologue Pardot Kynes, mandaté par l’Empereur Padishah pour dresser un portrait complet d’Arrakis. «Ce que ne comprend pas celui qui ignore tout de l’écologie, c’est qu’il s’agit d’un système», dit Kynes. «Un système qui maintient une certaine stabilité et qui peut être rompu par une seule erreur. […] Et celui qui ignore l’écologie peut ne pas intervenir avant qu’il soit trop tard. C’est pour cela que la plus haute fonction de l’écologie est la compréhension des conséquences.» Cette démonstration magistrale est toujours d’actualité, soixante ans après sa parution… Pendant longtemps, l’humanité n’a pas compris son impact sur l’environnement. Aujourd’hui, les faits sont là, mais saurons-nous en tirer à temps les conséquences ?
L’un des poncifs les plus nocifs de la science-fiction est la possibilité d’une planète B, et l’imaginaire de conquête spatiale qui l’accompagne : la Terre devient invivable – trop de pollution, une biodiversité exsangue, un climat ravageur, une humanité malade – plutôt que de l’épargner ou de la réparer, quittons-la ! Toutefois, le plus souvent, le cinéma et la littérature SF donnent une réponse assez claire sur le sujet, présentant cette fuite comme un cul-de-sac. Ainsi, Elysium, le film de Neill Blomkamp (2013), donne à voir un monde artificiel high-tech créé au profit de quelques élus, continuant d’exploiter une Terre extraordinairement dégradée, et avec elle les milliards d’habitants qui y survivent tant bien que mal – mais plutôt mal.
C’est l’intérêt de la SF, et notamment des écofictions, que de poser directement, sans fard, les questions qui fâchent. Intrinsèquement politique, son rôle est majeur aujourd’hui. Parce qu’il y a urgence à réinvestir les imaginaires du futur, pour refonder l’avenir, et ne pas le laisser entre les mains de techno prophètes qui le dessinent selon leur seul profit.