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Immigration : écouter les voix des invisibles

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La directrice de l’association Singa à Bordeaux valorise la rencontre avec les structures locales pour favoriser l’intégration des réfugiés, demandeurs d’asile ou immigrés.
A Bordeaux, le 1er mars 2020. Le restaurant Wanted Café se trouve devant le marché des Capucins. Il permet aux personnes en situation irrégulière, migrants, aux réfugiés ou aux SDF de se restaurer ou de prendre un café gratuitement. (Thibaud MORITZ/Photo Thibaud Moritz pour Libér)
publié le 2 février 2024 à 5h24
(mis à jour le 5 février 2024 à 10h15)
Tous les territoires engagés pour des solutions solidaires, le département de la Gironde, la ville de Bordeaux, la fondation Jean-Jaurès, Libération et plus de 60 organisations composant le Pacte du pouvoir de vivre proposent de débattre de six grandes solutions. Solidarité, emploi, alimentation, pour en discuter : rendez-vous le 9 février prochain dans les locaux du département de la Gironde et les 10 & 11 février à l’université de Bordeaux pour le « Climat Libé Tour » (entrée gratuite sur inscription).

Ksenia Skorik a grandi à Moscou, au sein d’une famille d’artistes russes francophiles accueillant des comédiens du monde entier. C’est là, sur la scène et dans les coulisses des théâtres où interviennent ses parents, qu’elle a acquis la conviction que les relations interculturelles sont source d’enrichissement mutuel. Une ouverture aux autres renforcée par une double ascendance ukrainienne. «J’ai baigné dans un environnement international qui a éveillé ma sensibilité à faire entendre les voix des personnes issues de l’immigration», analyse la trentenaire venue faire des études de musique puis de communication à Paris à l’âge de 18 ans.

«Je voulais m’engager davantage dans la société»

Ecouter les histoires de vie des migrants, accompagner certains dans leur projet entrepreneurial… Les actions qu’elle réalise lors d’un stage d’études chez Singa, cette association française qui vise à créer une société plus inclusive, esquissent un projet personnel autour de l’innovation interculturelle. Il mettra plusieurs années à mûrir. «J’ai déménagé à Bordeaux, travaillé dans le marketing et la communication puis, à la naissance de mon fils, j’ai réalisé que je n’étais pas alignée avec mes valeurs. Je voulais m’engager davantage dans la société, faire en sorte que les personnes locales, les réfugiés, les demandeurs d’asile et les immigrés apprennent à vivre ensemble.» Naturellement, Ksenia recontacte Singa qui a pour mission de favoriser les liens entre ces publics pour faciliter l’intégration des nouveaux arrivants en France. En février 2022, Ksenia cofonde Singa Bordeaux, avec Brigitte Xuereb, spécialiste de l’accompagnement des femmes dans la création d’entreprise et Iyad Kallas, entrepreneur franco-syrien. «Aujourd’hui, j’ai envie que ceux qui viennent d’ailleurs partagent leur histoire et deviennent auteurs et non pas acteurs de leur propre vie», insiste Ksenia.

Une communauté interculturelle et solidaire

Le travail de l’association repose sur deux piliers : les rencontres entre locaux et nouveaux venus en France et la formation de ces derniers à l’entrepreneuriat, avec un incubateur accueillant une vingtaine de porteurs de projets par an. «On est dans une posture de pair à pair. Chacun a à apprendre des autres. Notre apport n’est pas forcément technique, parfois c’est juste une présence, une écoute. Je suis par exemple très proche d’Aqeela, une Afghane qui a fui Kaboul il y a deux ans avec ses trois fils. C’est une réalisatrice pleine de talent, confrontée à l’isolement en France. Elle n’est pas dans l’incubateur, mais nous passons du temps ensemble et je mobilise mon réseau pour elle.» Barrière linguistique, isolement social, méconnaissance socioculturelle, préjugés sur les migrants… Ce sont ces difficultés rencontrées par les nouveaux arrivants que tous les bénévoles et partenaires de Singa s’attachent à lever. Ksenia rêve d’un lieu pour héberger l’association et ses actions et pourquoi pas d’une scène où donner à entendre les histoires de chacun. Et de confier, en écho à son parcours : «Ma plus grande fierté est de voir grandir mon fils de 3 ans et demi dans un environnement multiculturel.»