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Libération
LibeCARE: tribune

Intelligence artificielle : pour l’hôpital, des promesses et des questions

Par Nicolas Revel, directeur général de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris.

Innover, c’est aussi le faire dans un contexte où les professionnels de santé expriment un besoin d’allégement des charges qui pèsent sur eux, leur prennent du temps et les éloignent de leur mission première. (Cyril Zannettacci/Vu pour Libération)
Par
Nicolas Revel
directeur général de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris
Publié le 01/12/2023 à 11h24

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Les hôpitaux universitaires sont des terreaux fertiles et incontournables pour l’innovation. Point n’est besoin de remonter à l’invention du stéthoscope par Laennec à Necker au XIXe siècle pour s’en convaincre. Deux transformations profondes se profilent en effet aujourd’hui, dans lesquelles ils tiennent toujours, et même plus que jamais, une place majeure.

La première est celle de la médecine prédictive et personnalisée, qui ouvre la perspective de pouvoir traiter de manière beaucoup plus efficace certaines pathologies grâce à la mise au point de traitements adaptés au profil des patients. La seconde est celle de la diffusion des outils numériques dans le soin, qui permettent d’imaginer des prises en charge et un accompagnement en continu ou presque des patients, notamment lorsqu’ils souffrent de maladies chroniques, ouvrant ainsi de vraies perspectives, même si cela peut aussi soulever la question de la saturation des patients et des soignants face à de telles sollicitations permanentes. Ces deux transformations, étroitement liées à l’émergence de l’intelligence artificielle, sont donc riches de promesses mais n’en posent pas moins des questions redoutables sur le plan médical, bien sûr, mais aussi économique, juridique et éthique.

Innover aujourd’hui, c’est aussi le faire dans un contexte où les professionnels de santé expriment massivement un besoin d’allégement des charges multiples qui pèsent sur eux, leur prennent du temps et les éloignent de leur mission première. Ce point est essentiel : il est déterminant dans l’adoption ou le rejet des nouveaux outils. Je suis convaincu que les innovations, notamment numériques, sont une des manières de répondre à ce besoin, à condition de ne pas se payer de mots : la pierre de touche, c’est leur impact effectif en conditions réelles et celui-ci ne se décrète pas, il se construit avec les professionnels et les patients, en tenant compte des organisations existantes, et il se prouve.

Innover aujourd’hui suppose dès lors non seulement de mettre au point des outils technologiques pertinents, mais surtout de préparer et accompagner leur insertion dans des systèmes de santé qui sont naturellement complexes et qui doivent répondre à des contraintes multiples de nature très différente. Dans ce contexte, l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), comme tous les CHU, est amenée à jouer un rôle particulier, en devenant l’un des environnements dans lequel se prépare cette insertion, nourrissant ainsi par des phases de test et d’expérimentation la réflexion conduite sur les nouveaux modèles à mettre en place.

C’est un rôle nouveau, qui fait de nous un lieu où les innovations naissent mais aussi un partenaire susceptible d’accompagner la confrontation de ces innovations émergentes aux besoins et aux contraintes du soin. Ce nouveau rôle, nous apprenons peu à peu à le jouer, en nous appuyant sur ce qui fait notre force et notre identité : l’expertise médicale et l’attention aux patients, bien sûr, et au-delà notre culture de la recherche clinique.

Cette démarche ouverte, encouragée fortement par le gouvernement à travers des stratégies d’accélération, rencontre à l’évidence un écho. Cela nous autorise, je crois, à un optimisme certain, quoique raisonné : l’écosystème français de l’innovation, qui a toutes les cartes en main pour être au premier rang des révolutions médicales à venir, se met progressivement en ordre de marche dans une logique de plus en plus coopérative. C’est une très bonne nouvelle pour nous tous.