La bibliothèque MacMillan a été construite en 1931 par un colon anglo-américain à Nairobi, au Kenya. L’endroit était quasi à l’abandon : bureaux vides, sol jonché de débris et ces centaines de milliers de livres, de photos et d’archives entassés sur des rayonnages branlants. A l’origine, l’endroit était construit exclusivement pour les blancs, interdit aux noirs jusqu’en 1958.
Angela et Chiro (l’une est éditrice, l’autre est autrice) font aujourd’hui pression sur le gouvernement pour redonner vie aux bibliothèques municipales à l’abandon. Leur projet : créer un café et une librairie qui pourraient faire entrer de l’argent et permettre à la bibliothèque de renaître… «l’idée est de présenter ces espaces comme des centres créatifs, d’ajouter le wifi, de nouveaux livres et des ordinateurs, créer un catalogue numérique, pour y répertorier les plus de 400 000 ouvrages qui sont stockés ici», expliquent-elles enthousiastes. Un pari difficile face à l’incrédulité des personnels en place, la susceptibilité des autorités et la misogynie omniprésente.
«Il n’y a jamais eu l’intention consciente de décoloniser, explique Chiro. Si on en est là aujourd’hui, c’est à cause de la défaillance de nos institutions, décennie après décennie. Notre société ne peut s’établir sur ces bases». Et de fait, le documentaire rappelle ce qu’était le Kenya avant l’indépendance avec cet édifiant extrait : la reine d’Angleterre au côté d’un petit enfant noir qui se prosterne devant elle en lui offrant offre un bouquet de fleurs.
Au final, un pari réussi ? «Notre histoire pose problème, mais nous n’avons pas peur de l’affronter, témoigne une ministre. En venant ici, à l’inauguration de cette bibliothèque, j’étais très mal à l’aise parce que c’est le pire des manquements du service public, que de voir la vétusté de ce type d’établissement. On a vraiment hâte de découvrir ce que cela va devenir. En tous les cas, pas un endroit mort et silencieux, car beaucoup redoutent le silence. Nous voulons des endroits stimulants, qui développent les esprits et l’intellect».
How to build a library, documentaire de Maia Lekow et Christopher King.
Cédric Sapin-Defour (qui sera présent à Albertville cette année) et son épouse Mathilde vivaient une vie pleinement connectée aux montagnes du Beaufortain. Quand le 12 août 2022, leur vie a basculé lorsque Mathilde a chuté sur un pierrier dans un accident de parapente. Deux ans après, l’écrivain revient sur le drame devant la caméra de Christophe Raylat. Lire le portrait consacré à Cédric Sapin-Defour paru le 8 septembre dans Libération.
Le souffle d’Ubac, documentaire de Christophe Raylat.
Nous sommes en terre Inuite. Au Nunavut, dans le nord du Canada. Ici, le jour succède à la nuit, l’obscurité à la lumière. Des corbeaux semblent suivre une route. Quand un de ces oiseaux arrive, un autre le suit. Ils empruntent une voie invisible qu’on appelle ici «la route vers nulle part». Quand on la suit, on a l’impression que tout est possible.
«Comment les Inuits ont-ils fait pour se retrouver là ?, interroge une habitante. Je voulais savoir d’où venaient mes ancêtres et ce qu’ils ont enduré». Et de poursuivre. «Nous avons oublié notre identité. En 1999 on nous avait promis que le Nunavut – pays des Inuits — aurait son propre gouvernement, mais ce n’est pas ce qui s’est passé. Les enfants ont été retirés de la communauté pour partir en pension. Cette histoire n’a jamais été racontée. La grande pression qui pèse sur la communauté vient de ces non-dits.» Et ils sont nombreux, ces non-dits. Amplifié par le système colonial hérité de l’empire britannique, qui semble encore bien présent.
Le vent souffle, la neige s’envole, les voitures ont du mal à avancer. Une femme dépèce un phoque avec un couteau aiguisé et dit qu’elle espère que quelqu’un pourra ramasser la peau pour en faire un vêtement. Comme avant. «On est en train de construire un port en eau profonde, alors le pays va s’agrandir encore un peu. Avec tous ces changements et cet afflux de nouvelle population, je crains que la région ne puisse garder son esprit, sa culture, ses coutumes.»