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«Il y eut soudain une éclaircie et toute l’arête sommitale et la cime de l’Everest sont apparues. Mes yeux se sont alors fixés sur un point noir qui se profilait sur une crête de neige sous un ressaut rocheux ; le petit point noir bougeait. Un autre point noir est devenu visible et est monté dans la neige rejoindre l’autre sur la crête… Je pus voir qu’ils avançaient rapidement…» Puis les nuages se refermèrent, et George Mallory et Sandy Irvine s’effacèrent à jamais dans la brume. Noel Odell, auteur de ces lignes, les attendra deux jours avant de redescendre vers le camp de base pour apprendre à ses coéquipiers qu’il n’y a plus d’espoir.
Fin de l’histoire et début de l’intrigue. Car en disparaissant ce 8 juin 1924, les deux hommes ont emporté avec eux le plus grand mystère de l’alpinisme : Ont-ils réussi à se hisser sur le toit du monde, vingt-neuf ans avant Edmund Hillary et Tensing Norgay ? Une énigme à tiroirs dans laquelle s’engouffrent depuis des décennies journalistes, summitters et… romanciers.
C’est le sujet du dernier livre de Nicolas Le Nen, alpiniste, militaire et écrivain (on avait chroniqué il y a deux ans son précédent thriller Affaire classée à la Meije) qui avec ce polar en haute altitude se penche sur le destin du fameux Kodak Vest pocket, qu’avaient sur eux les deux alpinistes ; et dont la pellicule contient peut-être la preuve de leur réussite.
Son héros, Charlie, alpiniste chamoniard, est un jour contacté par un milliardaire excentrique, fasciné par l’Everest et ses mystères, qui rêve de mettre la main sur l’appareil photo perdu. Affaire conclue, voilà notre montagnard transformé en Sherlock des cimes pour une longue enquête qui l’emmènera des archives de la Royal Geographical Society à Londres jusqu’au musée de l’alpinisme à Lhassa, en passant par les pentes glacées de cette redoutable face nord où le corps de Mallory fut retrouvé en 1999 – sans l’appareil (2).
Fausses pistes, rebondissements, suspens… Portraits touchants d’Irvine et Mallory, rôles des sherpas dans ces ascensions au «pays de l’air rare», et descriptions extrêmement documentées des expéditions anglaises des années 20 ou des ascensions chinoises ultérieures (et de leurs innombrables mensonges)… «Rien ne permet de dire s’ils ont été ou non au sommet. Et c’est toute la beauté de cette histoire : on trouvera peut-être la preuve qu’ils ont été au sommet, mais il est impossible de trouver la preuve qu’ils n’y ont pas été.», écrivait en 1996 l’alpiniste, historienne et autrice Audrey Salkeld, dans The Mallory and Irvine Mystery. Alors qu’on fêtera dans quelques jours le centenaire de cette ascension mythique, ce cold case dans les pas des fantômes de l’Everest est une nouvelle preuve de la richesse du mystère.
(2) Le «cadavre d’un vieil anglais» (Irvine ?) entraperçu en 1975 par un alpiniste chinois n’a jamais été retrouvé.