A l’heure de la transition écologique, en partenariat avec la Plateforme d’observation des projets et stratégies urbaines (Popsu), plongée dans les projets et initiatives qui font bouger les politiques urbaines.
Les êtres vivants s’adaptent déjà aux dérèglements climatiques : des espèces changent de lieu, de morphologie ou transforment leur cycle de vie pour faire face à de nouvelles conditions. Mais malgré ces micro-évolutions rapides, de nombreux écosystèmes sont condamnés à disparaître. Dans le champ de la protection de la nature, la tentation d’agir est grande, par exemple en déplaçant des espèces dans des zones favorables à leur survie ou en renforçant des populations vulnérables avec des individus dont on suppose qu’ils seront mieux adaptés aux conditions futures. L’Office national des forêts expérimente déjà cette approche en plantant des graines de hêtres ou de chênes méditerranéens au sein de peuplements composés des mêmes essences dans le nord de la France.
Ces tentatives d’«évolution dirigée» évoquent les pratiques millénaires de sélection des animaux et des plantes domestiques, mais elles s’appliquent ici aux milieux naturels, ce qui ne va pas sans risque. En déplaçant des individus, on peut importer avec eux des pathogènes ou des essences potentiellement envahissantes. On peut également contribuer à une homogénéisation génétique globale au sein des espèces. Or, pour faire face aux changements, la diversité est un excellent gage de résilience.
La question se pose alors du juste niveau d’intervention. Comment prendre soin des milieux tout en laissant à l’évolution naturelle l’opportunité d’exprimer ses propres potentialités d’adaptation ? C’est un problème scientifique, technique, mais aussi philosophique. Voir le monde s’effondrer sous nos yeux sans rien faire n’est pas une option satisfaisante. Mais se mettre à jardiner intensément les milieux naturels, au-delà des risques écologiques, contribue à renforcer une posture de domination qui fait partie du problème. Entre le laisser-faire et le contrôle, il y a néanmoins tout un spectre de relations à explorer.
Quant à imaginer un horizon à +4°, cela revient à remettre en cause l’habitabilité même de la planète. Au-delà de +2°, nous sombrons dans un inconnu climatique, probablement fait d’emballements et de points de bascule. Difficile d’imaginer à quoi pourrait ressembler le vivant sur une telle planète, mais l’humanité telle que nous la connaissons n’y survivrait pas.
Il faut donc réduire drastiquement nos émissions de gaz à effet de serre et mettre en œuvre des stratégies d’adaptation à un monde qui, à chaque dixième de degré supplémentaire, pose des défis nouveaux à nos sociétés. Et dans cette tâche, la nature est source d’inspiration : miser sur la diversité des réponses, s’engager humblement dans des expérimentations locales en évitant les solutions hégémoniques ou les choix irréversibles, parier sur la créativité plutôt que sur la force, la coopération plutôt que la compétition. Autant de façons de s’inspirer des évolutions de la nature face aux changements climatiques, en conjurant la frénésie de contrôle et d’artificialisation qui nous a menés à la catastrophe en cours.