Fin décembre, les 500 000 habitants de la métropole de Montpellier bénéficieront de la gratuité des transports dans les bus et les trams. Une mesure à imiter dans toutes les villes de France ? Rendez-vous le 21 décembre, à l’Opéra Comédie pour un débat sur les enjeux de la mobilité. Entrée libre sur inscription.
Après Dunkerque en 2018, Montpellier s’apprête à rendre son réseau de transport en commun gratuit pour les habitants de la métropole. Appliquée à cette échelle de population et de réseau, encore inédite en France, la mesure relance un débat autour duquel se greffent de nombreux enjeux, de la mobilité au climat, en passant par le pouvoir d’achat. Un débat qui peut être éclairé – et non tranché – par les savoirs disponibles en matière d’action publique dans ce domaine.
La gratuité ouvre une question politique, celle de la répartition du financement des transports collectifs et de ses logiques de mise à contribution. Est-il normal qu’une usagère paye plus qu’un automobiliste qui bénéficie d’une infrastructure payée par la collectivité et désengorgée par l’existence des transports collectifs ?
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Les catégories usuellement employées dans ce débat – individu ou usager, collectivité, employeur – sont directement héritées du système de financement qui prévaut depuis plus de cinquante ans, fondé sur la mise en place du «versement transport» (aujourd’hui «versement mobilité»). Mais ces catégories sont sociologiquement pauvres et ne permettent pas forcément d’en comprendre les enjeux. Un individu est bien souvent mis à contribution, en tant qu’usager ou contribuable, voire comme salarié. Une collectivité peut l’être par ses subventions directes, mais aussi en tant qu’employeur. De la même façon, une automobiliste, peut être aussi usagère des transports collectifs ou encore cycliste. Ce n’est évidemment pas le cas de tout le monde, mais la confusion entre les pratiques et les individus ou groupes est fréquente et problématique. Elle prétend identifier des bénéficiaires pour légitimer leur mise à contribution plus importante.
Les débats ont tendance à réduire malheureusement l’analyse de ces politiques de gratuité aux seuls effets directs sur le report modal. C’est omettre la façon dont ces mesures interagissent avec le reste de l’action publique. Aussi, alors que la gratuité est couramment associée à un manque à gagner budgétaire, on observe au contraire le plus souvent une remobilisation de moyens en faveur des transports publics lorsqu’elle est mise en place. Réorganisation du réseau et nouveaux investissements accompagnent la mise en gratuité de réseaux, notamment lorsqu’ils sont dépréciés. Celle-ci peut encore être vue comme une manière de rendre acceptable d’autres mesures de contraintes sur l’automobile qui semblent inévitables, notamment sur la vitesse. En outre, elle peut viser un enjeu social, de pouvoir d’achat et de déplacements, en agissant contre de puissants facteurs du non-recours aux aides à la mobilité.
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Sans trancher donc, on peut reconnaître aux mesures de gratuité le mérite de remettre sur le devant de la scène un secteur le plus souvent tenu à distance du débat démocratique et géré par des institutions éloignées du suffrage universel (syndicats, établissements publics…). Rappelons que plus de 110 listes candidates aux municipales de 2020 en ont porté la proposition, comme celle élue à Montpellier. Peut-être que le système de financement des réseaux pensé il y a plus d’un demi-siècle a pris du plomb dans l’aile pour faire face aux problèmes contemporains qui engagent la puissance publique : climat et pollutions locales ; accroissement des distances parcourues quotidiennement ; ségrégation urbaine et enjeux sociaux, pour ne citer que les principaux. En ce sens, la gratuité est donc une mesure qui vient interroger, parmi d’autres options les formes d’adaptation de notre monde à ces enjeux.