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La logistique, au cœur de la réindustrialisation

Transition écologique : le temps des villes et des territoiresdossier
Par Adeline Heitz, maître de conférences.
Un entrpôt abandonné en bord de Seine à Gennevilliers, en mai 2023. (Arnaud Paillard/Hans Lucas via AFP)
par Adeline Heitz, maître de conférencesUrbanisme, Transport, Logistique
publié le 12 juin 2024 à 1h58

A l’heure de la transition écologique, en partenariat avec la Plateforme d’observation des projets et stratégies urbaines (Popsu), plongée dans les projets et initiatives qui font bouger les politiques urbaines.

Réindustrialiser ! Cette question, loin d’être nouvelle, a récemment été réaffirmée comme une priorité dans les politiques d’aménagement comme en témoigne le programme gouvernemental «Territoires d’industrie». A la fois vectrice de souveraineté économique, d’emplois et de développement local, ce (re) déploiement industriel constitue un enjeu phare dans tous les territoires, métropolitains comme ruraux. La logistique est un secteur clé dans la réindustrialisation en tant que fonction support de l’industrie. Elle s’est structurée autour de chaînes de valeurs étendues et fragmentées à l’échelle mondiale. Le (re) développement national et européen des activités industrielles, et plus largement les transformations des systèmes productifs en lien avec l’économie circulaire et l’évolution des pratiques de consommation, va nécessairement induire une mutation des activités logistiques et de leur spatialisation.

La logistique s’est structurée localement autour d’entrepôts dont la forme n’a cessé d’évoluer ces dernières années. D’un côté, une forte croissance de ces bâtiments, notamment des «XXL» (+40 000 m²) dans les périphéries des villes a contribué à un étalement urbain et dans une certaine mesure à l’artificialisation des sols. D’un autre côté l’essor d’un immobilier logistique urbain caractérisé par des espaces de quelques centaines de mètres carrés logés dans les interstices de la ville (délaissés urbains, anciens parkings ou rez-de-chaussée commercial) a favorisé le développement d’une logistique de proximité potentiellement décarbonée. Longtemps peu gouverné, le développement logistique a transformé de fait le paysage urbain français. Les stratégies de réindustrialisation auront un impact sur cette géographie logistique ainsi que sur les stratégies foncières et immobilières de ces acteurs qui composent déjà avec un nouveau cadre réglementaire (Zéro Artificialisation Nette, Zones à Faible Emission, etc.). La planification écologique territoriale doit intégrer cette question sectorielle et devra garantir un développement maîtrisé de ces activités en réponse aux enjeux bioclimatiques. Une condition préalable de ce développement est son acceptabilité sociale, entendue comme la recherche d’un consentement démocratique au projet économique. Les arbitrages politiques entre les différents usages du foncier apparaissent plus que jamais comme des points essentiels des nouveaux compromis territoriaux à réaliser.

Le cas de la logistique nous invite donc à penser les leviers qu’il faudra activer afin de minimiser l’empreinte des activités productives par des stratégies de décarbonation, de sobriété énergétique mais aussi de densification. Cette dernière passe d’abord par la rationalisation de l’usage des fonciers disponibles et le réemploi des friches industrielles ou commerciales. Si celles-ci constituent une piste sérieuse, leur localisation n’est pas toujours pertinente par rapport aux besoins des entreprises, ce qui demande aux collectivités non seulement d’en effectuer le recensement mais également de connaître les besoins et perspectives d’évolution de ce secteur.

Travailler au remembrement des fonciers logistiques ou s’appuyer sur des techniques de portage foncier apparaissent comme des perspectives prometteuses pour garantir des actions concrètes des acteurs publics. La verticalisation du bâti est un autre levier de la densification qui ne pourra s’affranchir des contraintes techniques, financières et réglementaires qui pèsent sur cette évolution des bâtiments.

Enfin, proposer de nouveaux outils de diagnostic et d’évaluation à la maîtrise d’ouvrage pour mieux intégrer la fonction logistique dans les projets urbains, dès la phase de programmation, donne également de nouvelles perspectives au développement immobilier logistique dans des espaces denses tout en concrétisant des objectifs de mixité fonctionnelle. En conclusion, une approche de la réindustrialisation par la question logistique plaide en faveur d’une rénovation des instruments de planification, de réglementation et de gouvernance à l’échelle locale et nationale.