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Les conférences de la Cité des sciences

«La méditation peut avoir un impact positif sur les personnes souffrant de douleurs chroniques»

Les conférences de la Cité des sciences et de l’industriedossier
Médecin de formation, Sylvie Besson enseigne le yoga et utilise la «méditation de pleine conscience» pour soigner des patients. Pour elle, cette pratique peut permettre d’éviter des rechutes.
Depuis dix ans, la médecin Sylvie Besson propose à ses patients un programme de huit semaines de méditation en pleine conscience. (anand purohit/Getty Images)
par Virginie de Rocquigny
publié le 7 novembre 2022 à 2h07
(mis à jour le 7 novembre 2022 à 12h36)

Libération, partenaire du cycle de conférences «Qu’est-ce que la vie ?» (de septembre 2022 à janvier 2023) organisé par la Cité des sciences et de l’industrie, proposera régulièrement articles, interviews et tribunes sur les sujets abordés. A suivre, le 15 novembre à 18 heures, sur place ou en visio, la conférence de Steven Laureys, neurologue, auteur de La méditation, c’est bon pour le cerveau.

Sylvie Besson est médecin à la consultation «douleur» de la Clinique mutualiste de la sagesse, à Rennes. Depuis dix ans, elle transmet sa pratique de la méditation de pleine conscience à ses patients. Un programme de huit semaines exigeant mais efficace.

Comment avez-vous commencé la pratique de la méditation au sein de votre établissement de soins ?

Je médite depuis vingt-trois ans et j’ai découvert grâce à des articles médicaux que cette pratique pouvait avoir un impact positif sur les personnes souffrant de douleurs chroniques. La méditation m’a apporté tellement de choses dans ma vie que j’avais très envie de partager cette discipline et de la mettre en application dans mon travail à l’hôpital. J’ai d’abord suivi un diplôme universitaire à Strasbourg «médecine, méditation et neurosciences», l’année de sa création. Nous étions 50 soignants, des psychologues, des infirmiers, des médecins de différentes spécialités. Cela m’a rassurée : avant cette formation, je pensais être un peu seule… Il y a vingt ans, on était considérés comme des êtres bizarres quand on parlait de méditation ! Je me suis ensuite formée en Suisse pour devenir instructrice en thérapie cognitive basée sur la pleine conscience, afin de pouvoir transmettre à mon tour dans le milieu hospitalier.

Votre établissement de soins a-t-il tout de suite adhéré à votre démarche ?

Non ! Il y avait beaucoup de réticences au départ mais à la faveur d’un changement d’équipe, j’ai pu mettre en place des cycles d’initiation à la méditation. Aujourd’hui, cela fait dix ans que je forme des patients à la clinique de la Sagesse, à Rennes. Depuis un an, j’interviens aussi à l’hôpital Max-Querrien de Paimpol. Il y a eu un déferlement de publications scientifiques sur les bienfaits de la méditation, et la médiatisation nous a beaucoup aidés en tant que médecins à pouvoir proposer cette pratique dans les lieux de soins. Aujourd’hui, c’est de plus en plus répandu et les soignants peuvent se former beaucoup plus facilement qu’avant.

Comment se déroule le programme de formation ?

Il dure huit semaines, avec des ateliers hebdomadaires de deux heures et une pratique personnelle de quarante-cinq minutes par jour pendant toute la durée de la formation. C’est un engagement très fort pour les participants, donc je m’entretiens avec chaque personne pour connaître ses motivations et expliquer à quel point c’est une démarche exigeante. Pendant chaque séance, il y a un temps de méditation et un échange sur ce que cette pratique nous apprend, quels sont les moments difficiles… Les patients repartent avec des «devoirs», il s’agit aussi d’intégrer la méditation dans leur quotidien. Marcher, éplucher ses légumes ou manger en pleine conscience par exemple. Ce n’est que par l’expérience soutenue que l’on peut observer de vrais changements. Plusieurs études ont montré qu’après huit semaines d’entraînement, on notait des différences dans le fonctionnement cérébral. C’est comme si la méditation s’inscrivait dans notre système nerveux.

A quels groupes de patients proposez-vous la méditation ?

J’applique ce programme sur toutes les personnes qui souffrent de maladies chroniques : insuffisance respiratoire, malade de Lyme, stress au travail, dépression… Ces maladies représentent un stress avec lequel il faut vivre. C’est dans le cadre des syndromes dépressifs que les effets de la méditation de pleine conscience ont été le plus fréquemment évalués. Cette pratique permet d’éviter des rechutes aussi bien que les antidépresseurs.

Vous avez dix ans d’expérience : qu’avez-vous observé sur les patients ?

Au début, ils sont surpris, parfois frustrés. Le programme demande beaucoup de travail et ils ont parfois l’impression qu’il ne se passe pas grand-chose… C’est souvent à mi-parcours que les changements se déclenchent. Il peut y avoir des transformations profondes dans leur façon de percevoir ce qu’ils sont en train de vivre. Récemment, une patiente qui a connu de très nombreux épisodes dépressifs dans sa vie m’a dit qu’avec la méditation, elle avait redécouvert une petite flamme, une joie de vivre oubliée depuis longtemps. Cela se voyait d’ailleurs dans son sourire, la lueur de ses yeux. C’est extrêmement puissant.

Après la formation, les patients poursuivent-ils leur pratique de la méditation ?

Pour certains, le programme a marqué un tournant décisif dans leur vie et ils continuent. D’autres ont complètement arrêté, la formation n’a été pour eux qu’un épisode. Entre ces deux extrêmes, il y a toutes les nuances. Certains patients s’y remettent quand ils en ressentent le besoin. A Paimpol, nous proposons une fois par mois une séance coup de pouce pour les personnes qui ont envie de continuer à pratiquer ensemble.