A l’heure de la transition écologique, en partenariat avec la Plateforme d’observation des projets et stratégies urbaines (Popsu), plongée dans les projets et initiatives qui font bouger les politiques urbaines.
La «France périphérique» désigne les territoires qui se situent à distance des plus grandes villes françaises. Cette notion a été proposée dans le débat public par Christophe Guilluy, qui considérait que l’action publique et l’attention médiatique se focalisaient sur la pauvreté des banlieues, au détriment des territoires périurbains ou ruraux. En cela, son analyse oppose deux types de territoires et les met en concurrence.
Aujourd’hui, l’expression est utilisée par de nombreuses personnalités politiques, notamment lorsqu’elles sont en campagne, pour décrire des territoires dont il faut convaincre l’électorat. François Ruffin, notamment, plaidait en 2022 pour une prise en compte par la gauche de la «France périphérique», qu’il définissait comme celle des gilets jaunes et des ronds-points. Il critiquait la focalisation de la gauche sur l’électorat des grandes villes et de leurs banlieues, abandonnant les autres territoires au RN. A l’extrême opposé de l’échiquier politique, Eric Zemmour, en 2022 également, tentait de convaincre cette France, cette fois-ci en l’opposant à celle des banlieues, qu’il considère islamisées et «gorgées d’allocation et de privilèges de toute sorte».
Les thèses de Christophe Guilluy n’ont pas reçu un accueil aussi favorable dans le monde académique. Cela n’empêche cependant pas des travaux scientifiques comparant les petites villes et les banlieues populaires des grandes villes d’exister. Dominique Lorrain, par exemple, concluait en 2006 d’une comparaison entre Verdun et Villiers-sur-Marne que «vivre dans une zone urbaine sensible de banlieue parisienne n’est pas plus un critère d’exclusion sociale que d’être dans une zone rurale en perte de vitesse». Un travail qui n’a pas suscité les mêmes controverses que la proposition de Guilluy.
Quelle que soit la pertinence scientifique de la notion, elle s’est imposée dans le débat politique et dans les médias. Un enjeu est à présent de savoir si les grilles de lecture proposées par Christophe Guilluy sont mobilisées par les habitantes et habitants des banlieues d’un côté, et par celles et ceux du périurbain, des petites villes et des campagnes de l’autre. Est-ce une représentation courante chez les classes populaires de ces territoires ? Crée-t-elle de la division entre elles ? Pour répondre à ces questions, l’analyse des inégalités objectives entre territoires s’avère nécessaire mais sûrement pas suffisante. Comme l’explique François Dubet, «les inégalités vécues comme injustes et intolérables […] ont un effet réel sur les conflits et l’organisation des sociétés». Cela rend donc l’étude de la perception des inégalités essentielle.