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Libération
La cité des conférences

«La petite enfance est une période cruciale pour faire bouger la société»

Les conférences de la Cité des sciences et de l’industriedossier
Claire Grolleau, fondatrice de l’association Label Vie, qui tente d’inscrire l’écologie dans le quotidien des crèches, revient sur l’importance de la nature dans le développement des tout-petits.
D’un point de vue sensoriel, la nature est extrêmement riche pour les jeunes enfants. (Laurence Mouton/PhotoAlto. AFP)
publié le 7 novembre 2024 à 12h11

Biodiversité, espace, intelligence artificielle, éducation… Coups de projecteur sur les conférences et rencontres organisées à la Cité des Sciences et de l’Industrie. Aujourd’hui, «Le bébé, un animal social», à suivre mardi 12 novembre à 14 h 30.

Microbiologiste et toxicologue de formation, Claire Grolleau a fondé l’association Label Vie pour mieux inclure le vivant dans la prise en charge des premières années de l’enfant.

Vous avez créé un label pour favoriser une gestion plus écologique des crèches. En quoi consiste-t-il ?

Le référentiel «Ecolo crèche» a été créé il y a quinze ans par l’association Label Vie, avec le concours de l’Ademe, du Commissariat Général au développement durable et d’acteurs professionnels clés de la petite enfance tels que l’ANPDE qui rassemble des professionnels de puériculture. Ce label concerne tous les aspects de la vie d’une crèche, qu’elle soit privée ou publique, grande ou petite, depuis le bâtiment jusqu’au bien-être des enfants, en passant par l’alimentation, le contact avec la nature, la consommation d’eau, les déchets, les polluants, etc. L’objectif est d’inscrire l’écologie dans le quotidien des crèches. Des outils de diagnostic, des formations et des rencontres, permettent d’aider les professionnels à changer de méthode.

Face au manque de moyens de nombreuses crèches, cette ambition écologique est-elle un luxe ?

Il est vrai qu’en situation de pénurie de personnel, il est difficile pour une équipe de s’impliquer dans un projet de changement, quel qu’il soit. Mais à l’exception de la construction et rénovation du bâtiment, où la démarche écologique peut être plus onéreuse, être écoresponsable ne coûte pas plus cher. Un budget important peut même être économisé sur les produits d’entretien par exemple. Au sein de Label Vie, nous observons un intérêt croissant pour mieux intégrer les enjeux écologiques dans l’éducation des plus jeunes. Aujourd’hui, près de 300 crèches de toute la France sont labellisées.

Pourquoi les crèches doivent-elles changer ?

Elles ont déjà beaucoup évolué ces vingt dernières années, mais on observe encore une dissonance forte au sein du milieu éducatif de la petite enfance : il est bien formé, centré sur les besoins de l’enfant, mais il néglige le lien à l’environnement, pourtant essentiel aux tout-petits. J’y vois l’héritage de craintes développées au XXe siècle, nourries par les fournisseurs de solutions tels que les lessiviers Unilever, Procter ou Gamble : «la terre c’est sale, la nature c’est dangereux !». Il n’est pas question de nier le risque naturel, mais il faut le relativiser face au risque chimique, qui a été pris en compte très tardivement. Encore aujourd’hui, trop d’enfants sont intoxiqués par des produits désinfectants ou des revêtements synthétiques qui s’émiettent. Et beaucoup souffrent d’un lien trop faible à la nature.

En quoi le lien à la nature est-il essentiel à l’épanouissement des plus jeunes ?

La petite enfance est une période de grande fragilité, et de très grande sensibilité : le jeune humain est en plein apprentissage. Les éléments naturels apportent tout ce qui est nécessaire au bon développement de sa motricité fine et globale. Les troncs d’arbres, la terre, les feuilles, le sable, offrent des matières infinies à manipuler, une multitude de textures et d’odeurs. D’un point de vue sensoriel, la nature est extrêmement riche. La charte nationale de l’accueil du jeune enfant stipule que «le contact réel avec la nature est essentiel à (s) on développement». Elle doit être respectée. Dans les grandes villes, cela peut passer par des balades dans les parcs et des sessions de jardinage. Les tout-petits ne s’en lassent pas, et en sortent apaisés.

La petite enfance ouvre une fenêtre de grande sensibilité chez les adultes : avec l’arrivée d’un nouveau-né, les parents modifient leurs habitudes, ils aèrent plus, cuisinent mieux, se promènent davantage dans la nature… C’est pourquoi c’est une période cruciale pour faire bouger la société tout entière. Je vois les crèches comme des places à même d’inspirer des villages entiers.