Energie, transports, rénovation durable, végétalisation… En 2023, «Libé» explore la thématique de la transition écologique lors d’une série de rendez-vous inédits. Objectif : témoigner des enjeux et trouver des solutions au plus près des territoires. Cinquième étape à Nantes les 18 et 19 novembre.
A la question du partage des responsabilités dans l’aggravation du réchauffement climatique, beaucoup pointent les plus riches, les grandes entreprises ou les Etats. A quoi servirait-il, entend-on, que la France prenne des mesures supplémentaires de réduction de ses impacts environnementaux, sans le même effort de la Chine, l’Inde et /ou des Etats-Unis ? Pourquoi faire peser sur la citoyenne ou le citoyen le poids des petits gestes et grands changements à apporter à leur mode de vie quand dans notre pays les mieux lotis continuent d’émettre 10, 20, 50 fois plus de CO2 que les plus modestes ? Comment espérer qu’un état démuni s’interroge sur son impact, quand les pays riches détruisent en souriant les ressources, limitées, de notre maison commune ?
Certes, plus l’on grimpe de barreaux sur l’échelle des revenus, plus l’on émet de gaz à effet de serre. Et les principaux émetteurs sont aussi les mieux protégés des effets de leurs propres prédations ! Pourtant, c’est bien sur l’effort conjoint de chacune et chacun d’entre nous, à son niveau, que repose notre petite chance de ralentir le réchauffement climatique et l’effondrement des écosystèmes. Paris, ville riche, donc fortement extractrice de matières et puissamment émettrice de CO2, aurait pu garder ses mauvaises habitudes. Elle a pris le cap d’une radicale mutation écologique et sociale : ville vélo, où le déplacement en voiture individuelle n’est plus la norme, cité dont le Plan local d’urbanisme bioclimatique la place parmi les plus ambitieuses au monde, première collectivité de France en achats d’aliments bio…
Elle fait désormais le choix d’accompagner la transition écologique de l’agriculture qui la nourrit. En votant, en juin 2022, à l’unanimité, un Plan alimentation durable portant de 54 % aujourd’hui à 100 % d’ici 2027, la part du bio et durable dans sa restauration collective, dont 50 % provenant d’un rayon de moins de 250 km, la ville s’est dotée d’une ambitieuse feuille de route. Lui manquait l’outil pour la concrétiser, car, à proximité de la capitale, aucune filière de l’alimentation durable n’est suffisamment structurée pour répondre à sa demande en denrées brutes. Trois ans de travail avec plus de 1 000 représentant·e·s du monde agricole, de la transformation alimentaire, de la logistique, ainsi que des organismes publics dédiés au foncier agricole et à sa préservation, nous ont permis de créer, en juillet 2023, AgriParis Seine, association de coopération territoriale alliant sept collectivités du bassin de la Seine.
Ses missions ? Identifier puis combler les besoins des collectivités les plus productrices en débouchés pour l’agriculture durable – celle qui se passe d’intrants chimiques et protège les sols, l’air, la ressource en eau. Ces débouchés, quels sont-ils ? En premier lieu, ceux qu’assurent la commande publique des territoires les plus consommateurs. Nos 30 millions de repas distribués chaque année en restauration collective, sont un levier de transition ! Ajoutez-y ceux d’un département comme la Seine-Saint-Denis – 4,8 millions par an –, et la force d’entraînement peut se révéler, c’est notre pari commun, décisive. Pas sans réciprocité. La métropole du Havre-Seine, celle de Rouen Normandie ou le PETR de l’Yonne, plus producteurs, voient en notre association l’instrument d’une meilleure structuration territoriale : une commande publique dionysienne et parisienne soutenue rend plus pertinente l’implantation, par exemple, d’un abattoir de proximité, d’une légumerie ou d’une conserverie.
A la clé des emplois locaux, l’amélioration de leur propre restauration collective, l’optimisation d’une logistique décarbonée. Au bout, la réduction de notre empreinte environnementale, une rémunération décente de celles et ceux qui travaillent la terre, élèvent, pêchent, en prenant soin du vivant ; un moyen de rendre accessible aux plus modestes une alimentation locale, de saison et durable. Affaire de choix. De responsabilité politique.