Culture, éducation, justice, information, sciences… Syndeac, le syndicat national des entreprises artistiques et culturelles, organise en 2025 une série de débats pour souligner le rôle et l’importance des services publics dans la société. Une série d’événements dont Libération est partenaire. Retour sur le débat «Les défis du service public de la santé», le 6 octobre à Marseille.
80 ans après l’ordonnance du 4 octobre 1945 portant la création de la Sécurité sociale, n’est-il pas temps de franchir une nouvelle étape ? A bien des égards, le «plan complet de Sécurité sociale» proposé par le Conseil national de la résistance a effectivement et profondément transformé notre société. Et pourtant, à beaucoup d’égards également, le service public de la santé qui en est issu reste fondamentalement incomplet, et avec lui les droits qu’il était censé garantir.
Ayant encore aujourd’hui valeur constitutionnelle, le préambule de la Constitution de 1946 le proclame : «[la Nation] garantit à tous, notamment à l’enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs.» C’est le principe même d’un service public : assurer, à toutes et à tous, la satisfaction d’un besoin reconnu collectivement comme essentiel. Comment ? En organisant la réponse à ce besoin essentiel en dehors du marché : ce n’est plus le prix qui détermine l’accès de chacune et chacun, mais le droit. Le tout étant rendu possible par un financement socialisé : l’impôt et les cotisations sociales.
La santé est certainement le besoin le plus unanimement reconnu comme essentiel dans la France de 2025. Pourtant, la santé est-elle un service public ? Rien n’en est moins sûr. Certes, l’Assurance maladie rembourse à 70 % une consultation de médecin généraliste. Elle laisse tout de même 11€ par consultation à la charge du patient ou de sa complémentaire. Elle exclut encore les personnes en situation irrégulière. Et elle est, de manière croissante, mise en concurrence avec des assurances complémentaires, elles-mêmes de plus en plus souvent à but lucratif – dont le coût pour la population explose.
Certes, l’hôpital est public, et reste plus que jamais une référence pour les pathologies les plus lourdes. Mais les cliniques privées commerciales ont le vent en poupe et, sur les deniers publics, développent fortement un modèle de soins largement financiarisé. Certes, le travail en équipe «en ville» attire de plus en plus les nouvelles générations de soignantes et soignants, mais ces soins sont encore largement organisés autour de médecins dits «libéraux» isolés, financés à l’acte et qui, en dépit de leur rémunération publique, refusent quasi totalement les contraintes de service public – à commencer par la régulation de leur installation. Sans même parler du médicament où les pénuries s’accumulent et les dividendes prospèrent.
Disons-le clairement : encore aujourd’hui, la logique du marché imprègne notre système de santé. Pire : elle s’y développe, et chaque année supplémentaire pour laquelle le financement du système public continue à décrocher par rapport aux besoins de la population, la remarchandisation du système progresse. La conséquence est immédiate : l’éloignement d’une fraction croissante de la population d’un accès digne et universel aux soins de santé.
Il est temps de prendre au sérieux le droit à la santé garanti par notre Constitution. De faire réellement prévaloir le droit sur la logique mercantile quand la vie et la santé de la population sont en jeu. Des cliniques privées aux médecins libéraux et de l’industrie du médicament à la couverture maladie, sortons notre santé du marché et, dans la lignée des avancées de la Sécurité sociale depuis sa création, instituons enfin une logique de service public.