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Tribune

La science du climat ne devrait pas faire débat

Bruno Bernard, président écologiste de la métropole de Lyon, appelle tous les responsables politiques à «partager collectivement le constat des périls climatiques à venir».
Les des incendies en Californie, dans la région de Los Angeles, en janvier. (Valerie Macon/AFP)
par Bruno Bernard, président de la métropole de Lyon
publié le 22 mai 2025 à 22h00

La concentration en dioxyde de carbone dans l’atmosphère est la plus haute depuis 2 millions d’années. Depuis 1900, la hausse du niveau de la mer est plus rapide que depuis 3 000 ans. Dans certaines zones les plus exposées, comme les Pôles ou les Alpes Françaises, le réchauffement mesuré est déjà de + 2°C.

Les conclusions du sixième et dernier rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) en mars 2023 sont sans appel. Le changement climatique constitue une menace pour le bien-être humain et la santé de la planète.

Il aura fallu deux siècles à l’humanité pour provoquer ces changements. Il n’aura fallu que trois mois au 47e président des Etats-Unis pour faire du climat une opinion.

En seulement cent jours, l’administration Trump est sortie de l’accord de Paris sur le climat et a lancé une offensive administrative, financière et culturelle sans précédent contre les agences environnementales ou les instituts de recherche. L’Agence américaine d’observation océanique et atmosphérique a perdu près dxe 20 % de ses effectifs. L’«exagération des menaces climatiques» et l’exposition des étudiants à «l’anxiété climatique» constituent des motifs suffisants pour supprimer une subvention dédiée à la recherche. Presque 200 mots, dont celui de «climat», ont été bannis du vocabulaire des services publics américains.

Croire que la France, pays des Lumières, serait à l’abri de cette poussée obscurantiste est une erreur. La désinformation climatique n’est plus le seul apanage de l’extrême droite française, qui, bien au contraire, a réussi à entraîner avec elle le camp conservateur dans sa dérive populiste sur la question environnementale.

Des figures politiques censées appartenir à l’arc républicain revêtent d’ores et déjà le costume du trumpisme. Laurent Wauquiez, ex-candidat à la présidence du parti Les Républicains, a enfilé le sien.

L’ancien président de région revendique la suspension des subventions destinées à l’Université Lyon-II pour «dérive islamo-gauchiste» et qualifie ouvertement l’Office Français de la Biodiversité de «coalition d’idéologues». Ces exemples sont loin d’être des situations isolées. Dans l’ère de la post-vérité, la science du climat ne serait ni plus, ni moins, qu’une idéologie écologiste.

Et c’est là que le bât blesse. Cette décrédibilisation du savoir rend impossible tout débat démocratique éclairé. Le dérèglement climatique n’est pas une religion à laquelle nous pourrions choisir de croire ou de ne pas croire. C’est une réalité. En sombrant dans le Trumpisme, la droite française cède à la facilité populiste et participe à l’affaiblissement généralisé de la démocratie. La crise climatique est complexe. S’abaisser à la nier relève ou d’une forme de démagogie cynique à des fins électoralistes ou, pire peut-être, d’une simple paresse intellectuelle et idéologique.

Le consensus scientifique autour des causes du dérèglement climatique devrait inviter l’ensemble des responsables politiques de tous bords à partager collectivement le constat des périls à venir. Charge à elles et eux, ensuite, non seulement de proposer des solutions programmatiques pour prévenir, lutter et s’adapter au réchauffement climatique mais aussi de les ­confronter, sur des bases rationnelles.

Dans une démocratie mature, la science du climat ne devrait pas faire débat. Bien au contraire, elle nous oblige.