A Avignon, la Villa créative propose de confronter les savoirs scientifiques, pédagogiques et artistiques pour créer de nouvelles connaissances. Un événement dont Libération est partenaire.
J’ai soif de grandes et belles fêtes d’art, d’intenses rituels de rencontre, d’espaces de résistance et de réjouissance. Envie de prendre la pulsation de notre temps et de renouveler nos façons d’être ensemble et de nourrir nos rêves. Désir que nous contribuions collectivement à augmenter la vie, avec force, passion et détermination, pour qu’enfin nous dépassions notre sidération et lamentation devant l’état du monde et de notre monde, celui des arts et de la culture, si fragilisé aujourd’hui.
Danserons-nous demain sur un champ de ruines ? Nous le redoutions et avons désormais, toutes les raisons de craindre l’âge d’or des politiques publiques de la culture passé. Rien ne semble définitivement acquis. Notre époque jette une lumière froide sur une hémorragie dont on ne sait rien de notre capacité à la stopper. Pourtant, ici et là, des initiatives naissent, parfois discrètement. Des aventures hybrides, qui mobilisent une grande diversité d’acteurs et de publics, jouent avec un monde en mutation et agissent comme de microlaboratoires où s’expérimentent et s‘expriment de nouvelles façons d’imaginer les transitions en cours et à venir. Il y est question d’art, d’abord, mais pas seulement.
Je pilote, avec Derrière le hublot, deux de ces aventures nées aux frontières de l’art et avec celui-ci. Qu’il s’agisse de «Fenêtres sur le paysage» – parcours artistique à ciel ouvert sur près de 1 000 km de chemin de Compostelle – ou du «Service d’art à domicile», une même méthode a prévalu. Des projets pourtant différents en tous points. De l’échelle territoriale aux modalités de rencontre avec les personnes, des disciplines artistiques aux manières «de faire avec». Une seule boussole. Celle qui prend le plus puissamment le pouls du monde, qui comprend la singularité de chaque situation et de chaque contexte, qui laisse leur place aux intuitions et tente enfin par tous les moyens et le plus justement possible de partager avec celles et ceux qui sont là.
Prenons le cas du «Service d’art à domicile». Des personnes âgées, souvent très isolées notamment en milieu rural, reçoivent chez elle et avec la complicité de leur aide à domicile et auxiliaires de vie, un ou une artiste. De cette rencontre à trois, de conversations initiées dans un cadre réservé et intime, de la médiation entreprise par les aides à domicile et auxiliaires de vie, émergent des performances artistiques inédites et puissantes. Nous en sortons bousculés.
La Villa créative est une de ces aventures-là, la part minuscule d’un soleil qui vient, si chère à Jean Pierre Siméon. Elle ne craint pas l’inconfort possible des hybridations, croise sciences, création et société, économie publique et privée, en un lieu de savoir et de réflexions interdisciplinaires. Ensemble, nous travaillons sur la base de nos projets, avec le Service d’art à domicile notamment, imaginant des alliances dynamiques, mêlant nos compétences et savoir-faire, pour créer un diplôme universitaire à destination des aides à domicile et auxiliaires de vie. Il valorisera et renforcera leurs très précieuses et indispensables compétences en matière de médiation artistique et culturelle.
C‘est avec des tentatives sans cesse remises sur le métier, des situations fabriquées sur-mesure, des partenaires aussi impliqués que stimulants, et une grande liberté, que nous orchestrons d’intenses rencontres avec les publics afin de partager les arts, les cultures, les savoirs et les sens. Nourris par des générations qui avaient imaginé, défriché et construit des mondes, qui avaient tenté par tous les moyens de donner la plus grande valeur à nos ambitions, nous avons grandi avec l’idée que ce que nous faisions participait de notre épanouissement, de l’émancipation, du service public. Si nous entrons de plein fouet dans un nouvel âge, il n’est pas temps de lâcher la rampe.