Energie, transports, rénovation durable, végétalisation… En 2023, Libé explore la thématique de la transition écologique lors d’une série de rendez-vous inédits. Objectif : témoigner des enjeux et trouver des solutions au plus près des territoires. Quatrième étape à Dunkerque, les 13, 14 et 15 octobre.
La voiture est toujours, et de très loin, le moyen de transport le plus utilisé en France. En dehors de Paris, 82 % des Français la prennent pour aller au travail selon l’Insee, beaucoup l’utilisent pour déposer leurs enfants à l’école, aller en course… Et au-delà, l’Hexagone a une culture de la «bagnole», confortée récemment jusqu’au plus haut sommet de l’Etat. «Pourquoi doit-on se passer des voitures ? s’interroge lors du Climat Libé Tour ce samedi Barbara Pompili, ex-députée En Commun ! et ancienne ministre de la Transition écologique. Elle est appréciée, représente la liberté, l’indépendance. C’est une culture en France. Mais il y en a trop et cela représente trois problèmes : les gaz à effet de serre, la pollution et la congestion urbaine.»
«Evidemment, la voiture va rester importante pour les déplacements, mais elle doit faire moins de kilomètres», poursuit Patrice Vergriete, ministre délégué auprès du ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires chargé du Logement, avant de préciser que cela passe par le covoiturage, le vélo, les transports en commun… «On ne veut pas empêcher les gens de se déplacer mais il faut qu’ils se déplacent différemment», ajoute Barba Pompili. «Il faut changer de narratif. On nous a longtemps dit que la voiture résoudrait tous les problèmes. Or elle n’a pas résolu la fracture territoriale par exemple», dit Karima Delli, députée européenne EE-LV, qui cite l’exemple des gilets jaunes, dont la révolte a éclaté à cause, notamment, du prix des carburants.
Gratuité des transports
Karima Delli explique par ailleurs que de nombreuses entreprises ont des difficultés à recruter en raison des difficultés de mobilité ou qu’un grand nombre de travailleurs refusent un emploi faute de transports. «12 millions de personnes sont des précaires de la mobilité», ajoute-t-elle. Or «la mobilité, c’est du lien social. Mais il faut diminuer la mobilité subie. Et le rapprochement de l’emploi au logement est essentiel», abonde Patrice Vergriete, également président de la communauté urbaine de Dunkerque, qui donne l’exemple de la gigafactory de Verkor, qui va s’installer dans la ville du Nord et qui pourrait se passer de parking lors de son ouverture en 2025. Les réseaux de transports en commun devront relier ce site aux logements des travailleurs.
Patrice Vergriete raconte un autre dispositif qu’il a mis en place alors qu’il dirigeait la ville : la gratuité des bus, Dunkerque faisant figure de modèle sur le sujet. Et de partager les chiffres illustrant le succès : +125 % de voyages par ce mode de transport depuis la mise en place du dispositif, avec la moitié des déplacements supplémentaires qui auraient été faits en voiture sans la gratuité. «Sur la gratuité des transports, je n’ai pas de religion et je pense qu’il ne faut pas en avoir, explique Barbara Pompili. Les transports gratuits ont fonctionné à Dunkerque car il y avait un terreau favorable», contrairement à Paris ou Chambéry par exemple. Loquace sur cette réussite, le ministre, qui «veut embarquer les gens» plutôt que leur faire «la morale», a en revanche botté en touche sur le projet contesté de l’autoroute A69 «qu’il ne connaît pas».
Opérer un rééquilibrage
Lorsque le sujet de la voiture est posé sur la table, celui des mobilités de manière plus générale est finalement toujours en question, notamment les trajets en train, que tous les intervenants souhaitent plus développer. Mais lorsque Karima Delli affirme que «le vrai concurrent du train, c’est l’avion low-cost», Barbara Pompili embraye : «La vie quotidienne des gens, ce n’est pas l’avion, mais c’est la voiture.» Et c’est donc sur cette dernière qu’il faut encore plus œuvrer pour opérer un rééquilibrage. Et Karima Delli de conclure sur la transformation des mobilités : «On a tout pour réussir, la seule chose qui nous manque, c’est l’envie.»