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Libération
Festival du film de montagne d'Autrans: documentaire

«L’Affût aux loups», la quête du graou

A l'heure de l'aventuredossier
Le documentaire de Tanguy Dumortier et Olivier Larrey suit un photographe et un aquarelliste pendant un an de planque à observer les loups.
Les deux hommes ont passé une année entière dans un affût à guetter la venue des loups. (Yves Fagniart)
publié le 28 novembre 2023 à 5h00

«Historiquement, entre l’homme et le loup, ça a toujours été la guerre.» Voilà d’emblée le ton donné avec les premières phrases de ce documentaire (1) qui met en scène un photographe, Olivier Larrey, et un dessinateur aquarelliste naturaliste, Yves Fagniart, «quelque part entre la Russie et La Finlande». Les deux hommes ont passé une année entière dans un affût à guetter la venue des loups et observer les autres animaux (gloutons, corbeaux, ours…).

Ils sont là à l’attendre, et nous le guettons avec eux. La règle primordiale, c’est le silence. C’est dur de ne pas faire de bruit. Dur de camoufler son odeur. Ils le savent. Dehors, les loups sont là, quelque part en train d’attendre, et probablement de les observer.

«Ecouter le silence»

Toujours, le doute les habite. Sont-ils au meilleur endroit pour le voir ? Pendant six jours, rien à se mettre sous la dent. Ils se sentent, comme des «éléphants dans un jeu de quilles». Il fait très froid l’hiver dans leur affût, ils dorment tout habillés, font du café pour se réchauffer, et le boivent dans des tasses en bois. Ils disent volontiers «écouter le silence. Quand on n’est pas habitués, on cherche un bruit de fond». Le dessinateur se fait philosophe. «A l’affût, on visite qui on est. On se connaît mieux. On regarde le paysage vide, et c’est un moment qu’on se dédie à soi-même.»

Dans ce documentaire, on voit beaucoup de corbeaux passer, voler, crier, arriver en bande, eux aussi. Cet animal reste le «baromètre du site». Quand ils sont très calmes, quand ils s’envolent, «le corbeau nous aide à décrypter ce qui va arriver».

«Un moment un peu chamanique»

Surgit de nulle part un glouton, petit animal véloce. Le dessinateur ne veut pas le croquer de mémoire parce qu’il a «peur de le rater». Ces hommes à l’affût livrent leurs astuces. «Quand tu travailles sur un grand prédateur, la règle c’est de mettre un peu de nourriture pour avoir une chance d’en voir». Là ils ont récupéré une carcasse de renne, et l’ont disposée à quatre-vingts mètres de l’affût. Soudain, au loin, ils entendent les hurlements du loup. C’est d’abord un son qui les pénètre, une longueur, forte… Dans la nuit, on distingue à peine la forme du loup, sorte de tache jaune sur le bleu nocturne. Ils comparent le cri à un chant, disent que c’est un «rêve d’enfant qu’ils touchent du doigt». Les loups leur signifient «haut et fort» qu’ils sont là dans la forêt, et que le territoire est occupé. Par eux ! Ils racontent aussi leur peur de se trouver isolés, seuls dans la forêt et dans le noir ; que l’animal qu’on ne voit pas laisse «libre cours au fantasme».

Au-dessus d’eux plane l’esprit de l’ours et celui du loup. Des loups qui peinent à avancer dans la neige épaisse. Le dessinateur retient son émotion devant cette scène. «Cela a touché quelque chose, ça me travaille. C’est comme si je vivais un moment un peu chamanique.» Suit le détail de chaque animal. Leur manière d’évoluer au sein de la meute, les dessins qu’ils ont sur la tête. Les hommes, incorrigibles, leur donnent des noms : Dormeur, Lady Alpha, Cernes, Lunettes… Passe un ours, un loup le mord. Ce qui provoque le souvenir d’un proverbe esquimau : «Si tu sais où va un ours, tu en sais plus que lui»

L’Affût aux loups de Tanguy Dumortier et Olivier Larrey. En compétition au Festival international du film et du livre d’aventure de La Rochelle (Fifav) et oprésenté au Festival du film de montagne d’Autrans.